VIDEO. Greffe: Un patient opéré pour la deuxième fois du visage après un premier rejet
PROUESSE•Après avoir pris un antibiotique incompatible avec son traitement en 2016, il avait commencé à montrer des signes de rejet chronique, et son visage se dégrade…20 Minutes avec AFP
Dans sa vie, Jérôme Hamon a eu trois visages : premier homme au monde à avoir subi deux greffes de la face, il a accepté « immédiatement » sa nouvelle apparence, sa nouvelle « identité ».
Il avait été le premier greffé total du visage en 2010, il est aujourd’hui le premier homme au monde a avoir reçu deux greffes du visage. Toujours hospitalisé trois mois après son opération à Paris, Jérôme Hamon est apparu avec un visage encore lisse et immobile, qui n’a pas épousé les traits de son crâne. Cela devrait venir peu à peu, à condition que soit bien suivi le traitement immunodépresseur empêchant un nouveau rejet.
« Je me sens très bien », a dit le greffé, âgé de 43 ans, trois mois après son opération dans la nuit du 15 au 16 janvier, lors d’une rencontre avec des médias la semaine dernière. « J’ai hâte d’être libéré de tout ça », ajoute-t-il, fatigué par le lourd traitement qu’il doit subir, et s’exprimant avec difficulté.
Un antibiotique contre le rhume provoque un rejet
Cette prouesse inédite est à mettre au crédit de l’équipe du Pr Laurent Lantieri, à l’hôpital européen Georges-Pompidou, de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Ce chirurgien plastique avait déjà réalisé, sur le même patient, une première greffe totale du visage, en 2010 à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, près de Paris.
Jérôme Hamon est atteint de neurofibromatose de type 1 (maladie de von Recklinghausen), une maladie génétique qui a déformé son visage. La première greffe avait été un succès, comme il l’avait raconté dans un livre publié en avril 2015, T’as vu le Monsieur ?.
Hélas, la même année, à l’occasion d’un banal rhume, il est soigné par un antibiotique incompatible avec son traitement immunodépresseur. En 2016 il commence à montrer des signes de rejet chronique, et le visage se dégrade. À l’été 2017 il est hospitalisé, et en novembre, son visage greffé, qui présente des zones de nécrose, doit lui être retiré.
Il restera deux mois « sans visage » en réanimation à Pompidou, le temps que l’Agence de la biomédecine signale un donneur compatible. Des moments difficiles à vivre, avec un faciès d’écorché vif.
Un donneur de 22 ans
Mais à cas exceptionnel, patient exceptionnel. « Toute l’équipe en réanimation a été époustouflée par le courage de Jérôme, sa volonté, sa force de caractère dans une situation tragique. Parce qu’il est alors dans l’attente, et que jamais il ne s’est plaint. Il était même plutôt de bonne humeur », a raconté à la presse Bernard Cholley, anesthésiste-réanimateur.
Le donneur de visage sera un jeune homme de 22 ans, décédé à plusieurs centaines de kilomètres de Paris. Le Pr Lantieri l’apprend un dimanche soir, le 14 janvier, ce qui déclenche une grosse opération logistique.
Avec l’accord de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), une technique révolutionnaire a été employée pour la conservation du greffon : en plus d’être plongé dans un soluté classique, il a bénéficié des propriétés de l’hémoglobine de ver marin pour retenir l’oxygène.
Jérôme Hamon est entré au bloc opératoire le lundi 15 janvier, à la mi-journée. « Vers midi, l’équipe a effectué la préparation au niveau receveur : préparer les vaisseaux, préparer les nerfs, pour qu’on puisse ensuite faire cette transplantation », raconte le Pr Lantieri.
Une nouvelle greffe pour la recherche
Ensuite, il a fallu poser délicatement ce visage comme un masque, en le reliant à tout ce qui fait l’anatomie complexe de la tête. Très vite, l’équipe constate que le greffon montre des signes de vie encourageants en se colorant.
Le patient ressortira du bloc le mardi en fin de matinée, au terme d’une opération hors normes. « L’opération répond à une question qui était de l’ordre de la recherche : est-ce qu’on peut refaire une greffe du visage ? Oui, on peut retransplanter, et voilà ce qu’on obtient », a expliqué le Pr Lantieri.
Une greffe bien vécue par le patient. « La première greffe, j’ai accepté immédiatement le greffon. J’ai considéré que c’était un nouveau visage et maintenant c’est pareil », dit aujourd’hui Jérôme Hamon. « Si je n’avais pas accepté ce nouveau visage, ça aurait été un drame. Effectivement, c’est une question d’identité. […] Mais là, c’est bon, c’est moi », a-t-il conclu.