Lyon: Pourquoi les ambitions affichées par PermiGo 2, auto-école nouvelle génération, ont tourné au fiasco?
ECHEC•Le groupe Arcan, qui avait repris permiGo au mois d'avril 2017, a été placé en redressement judiciaire...Caroline Girardon
L'essentiel
- Le groupe Arcan, qui avait repris permiGo au mois d’avril 2017, vient d’être placé en redressement judiciaire.
- Les clients de cette société d’auto-école nouvelle génération s’estiment floués.
- Beaucoup n’ont pas pu récupérer des heures de conduite qu’ils avaient déjà payées.
- La société parle de son côté d’une campagne de dénigrement pour expliquer ses difficultés.
De la « colère » et « beaucoup d’incompréhension ». L’annonce a fait l’effet d’une bombe, bien que beaucoup redoutaient l’issue et s’y attendaient un peu. La société PermiGo 2, auto-école «nouvelle génération», a été placée en redressement judiciaire jeudi. L’histoire se répète. Le groupe Arcan n’a pas pu relever le défi, lui qui avait été désigné par le tribunal de commerce de Lyon pour reprendre PermiGo (première version), liquidé au début de l’année 2017 après deux années d’existence.
« J’ai le sentiment d’avoir été arnaquée, d’autant plus qu’il y a récidive », lâche Cynthia, mère de famille qui réside aujourd’hui à Marseille. « Il n’y a aucune info qui circulait », continue-t-elle affirmant avoir pris connaissance de la situation par voie de presse. En 2016, alors qu’elle résidait à Saint-Etienne, elle avait déboursé 913 euros pour une formule de 20 heures de conduite pour sa fille Camille. Quelques mois plus tard, la famille déménage dans les Bouches du Rhône et les ennuis commencent. Sa fille n’a alors pris que quatre heures de conduite.
120.000 heures de conduite à exécuter
L’entreprise a été liquidée depuis six mois. Mais ça, Cynthia ne le sait pas. Personne ne l’a prévenue. Persuadée de pouvoir poursuivre les leçons de conduite déjà payées comme on le lui avait assuré lors de son déménagement, la mère de famille découvre, une fois arrivée à Marseille, que le contrat souscrit est caduc. « PermiGo 2 nous demande à ce moment-là de repayer une nouvelle formule », explique-t-elle. Ce qu’elle refuse de faire. « Je n’avais aucune garantie que ça allait marcher. La confiance n’était plus là, d’autant qu’ils nous devaient encore 16 heures de conduite ». À la barre du tribunal de commerce de Lyon, la société Arcan s'était pourtant engagée à ce que les élèves bénéficient de la formation déjà payée. A savoir 120.000 heures facturées 3,3 millions d’euros.
Même cas de figure pour Juliette, 24 ans, qui s’était inscrite en décembre 2016, souscrivant une formule de 30 heures pour 1.100 euros. Là encore, la jeune femme n’avait pu passer que quatre heures au volant. Sa monitrice lui apprend qu’elle est licenciée et lui conseille rapidement de planifier les heures qui lui restent. « Un mois plus tard, je reçois une notification m’informant que toutes mes réservations sont annulées, sans aucune explication », raconte-t-elle.
Mélanie, 27 ans, elle n’a jamais pu reprogrammer d’heures. Il lui en restait 10 à effectuer. « J’ai tenté d’appeler à maintes reprises mais personne ne décrochait ». Pas de réponse non plus à ses mails. Elle découvre que l’accès à la plate-forme a été coupé et que son « compte a été supprimé » sans en avoir été avertie.
« Il y a eu une confusion »
Juliette a fini par obtenir une réponse du repreneur après des semaines de relance. « On me demande de repayer ses heures comme tout le monde ». Ce dont se défend aujourd’hui la société.
« Arcan s’était engagée à effectuer les heures prépayées sans pour autant reprendre les contrats », assure le cabinet Pivoine, chargée de sa défense. Et d’ajouter : « PermiGo 1 avait vendu des heures de formation, fréquemment sous-évaluées. Il n’a pas été proposé aux élèves de repayer leurs heures mais bien de régulariser leur contrat en ajoutant des séances de conduite complémentaires nécessaires pour obtenir leur permis. Il y a eu une confusion dans les esprits ».
« Je comprends qu’ils aient eu besoin de rentrée d’argent mais ils ne pouvaient demander aux élèves, qui n’ont déjà pas en sous en poche, de repasser à la caisse », répond Juliette, déplorant la perte définitive de ses 26 heures de conduite. « J’ai dépensé toutes mes économies pour le permis de ma fille. Depuis, j’ai été licenciée et je n’ai plus les moyens de repayer », appuie Lydie. Sa fille a été « redirigée sur un centre situé à 69 kilomètres de chez elle », « sans avoir été prévenue ». « Impossible pour elle de pouvoir se rendre en agence puisqu’elle n’a pas le permis ni de voiture. Cela fait un an que nous cherchons tous une solution pour pouvoir se faire rembourser et s’inscrire ailleurs », poursuit-elle.
Amalgames et campagne de dénigrement ?
Aujourd’hui, reste savoir si Arcan, qui assure avoir exécuté 67.000 des 120.000 heures déjà payées, ne s’est pas lancée dans un pari trop ambitieux. « La reprise était fondée sur les chiffres d’affaires annoncés par PermiGo 1 selon un business plan qu’ils avaient établi. Le modèle économique proposé par Arcan était le bon », justifie le cabinet Pivoine estimant que l’entreprise a été victime d'« amalgames » et d’une « campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux ». Au mois de février, l’entreprise avait déjà vu son chiffre d’affaires chuter de 50 %. En mars aussi.
« Tout a été fait pour qu’ils se cassent la figure. Nos clients n’ont jamais été compris. Le fait d’avoir gardé le nom PermiGo n’était sûrement pas une bonne stratégie car il y a eu une confusion dans l’esprit des clients. Pourtant, il s’agissait de deux sociétés totalement différentes », appuie le cabinet d’avocats.
PermiGo 2 a été placée en observation de six mois, à l’issue de laquelle le tribunal de commerce de Lyon, devrait prononcer ou non la liquidation.