VIDEO. Trèbes rend un dernier hommage poignant à Jean, Hervé et Christian, mais la «grosse blessure» mettra du temps à guérir
REPORTAGE•Une cérémonie a eu lieu ce jeudi matin à Trèbes en l’honneur des victimes civiles des attaques terroristes dans l’Aude, Jean Mazières, Christian Medves et Hervé Sosna…Nicolas Stival
L'essentiel
- Edouard Philippe, Gérard Collomb et Nicole Belloubet ont participé à l’hommage, sans prendre publiquement la parole.
- Selon certains témoignages, les attaques ont ravivé des tensions dans la ville.
De notre envoyé spécial à Trèbes et Carcassonne (Aude),
Le soleil de ce jeudi matin dans l’Aude, tempéré par un léger vent frais, tranche avec la pluie continue de la veille à Paris. Après l'hommage national au lieutenant-colonel Arnaud Beltrame aux Invalides, il est temps d’honorer la mémoire des trois civils tués moins d’une semaine plus tôt, le 23 mars lors des attaques terroristes de Carcassonne et Trèbes. C’est cette commune de 5.500 habitants, où vivaient deux des victimes, qui accueille la cérémonie publique.
Elle durera environ 45 minutes sur la vaste esplanade de l’espace René-Coll, « d’ordinaire réservé aux fêtes », comme l’observe le maire de la ville, Eric Ménassi, lors de son discours pour Hervé Sosna « l’épris de littérature » et Christian Mevdes, « l’image de la gaieté, de l’enthousiasme et de la joie de vivre ». Les corps des deux Trébééns, maçon à la retraite de 65 ans et boucher de 50 ans, reposent alors devant lui, dans leur cercueil. A côté d’eux, la dépouille de Jean Mazières, viticulteur à la retraite de 61 ans, personnalité du village voisin de Villedubert (350 habitants), dont le maire Marc Rofes vient de faire l’éloge.
Avec d’autres élus locaux, les familles des victimes, les gendarmes, les militaires, les anciens combattants et les « simples » citoyens, ils forment une assistance de plusieurs centaines de personnes. Plus tard, David, Carcassonnais de 45 ans, parlera d’une « cérémonie très émouvante ».
« Je connais la femme de Christian, c’est ma coiffeuse. C’était le minimum d’être présent. Quand on voit ces personnalités, cette tristesse… On imagine toujours que ces choses peuvent arriver dans des grandes villes, pas ici. » »
Les « personnalités », ce sont Edouard Philippe, Gérard Collomb et Nicole Belloubet. Après avoir salué les autorités présentes et adressé leurs condoléances aux proches des victimes, le Premier ministre, le ministre de l’Intérieur et la Garde des Sceaux ne prennent pas la parole en public. Mais ils participent au moment le plus déchirant de la cérémonie : le dépôt des roses sur les cercueils en compagnie des familles, dont certains membres craquent sous l’émotion.
La Marseillaise, chantée dans son intégralité par une chorale, marquera la fin de l’hommage, mais pas de l’épreuve. « Cela a changé notre vie, j’espère que l’on s’en remettra », lance Pierre, un sexagénaire. Non loin de là, pendant que l’espace René-Coll se vide, Assia répond à quelques journalistes. « Je ne suis plus sortie depuis les attentats, sauf pour aller à l’école », confie cette mère de famille voilée. A cause des regards réprobateurs, plus fréquents qu’avant dans la rue. Hélène proteste avec force contre cet amalgame fait entre musulmans et terroristes :
« Le gros souci, c’est que les gens pensent que ce sont tous les mêmes. Mais c’est une minorité de jeunes qui est détraquée, les autres, ce sont des gens très bien. Aujourd’hui, il y a des ghettos. Il faut être unis, mélanger les populations, se comprendre. » »
Cette quinquagénaire parle des attentats comme d'« une grosse blessure ». Elle mettra beaucoup de temps à cicatriser, ici comme ailleurs. Pendant que la presse interroge les badauds encore présents, les obsèques d’Hervé Sosna débutent dans l’église de Trèbes. Celles de Christian Mevdes suivront, à 16 h 30, après la cérémonie religieuse en l’honneur de Jean Mazières, prévue à 14 h à Villedubert.
A huit kilomètres de là, la cathédrale de Carcassonne abrite en cette fin de jeudi matin le dernier adieu au lieutenant-colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame. Un important dispositif policier protège l’intimité réclamée par les proches du héros de 44 ans.
Cela n’empêche pas journalistes et habitants de s’agglutiner derrière les barrières qui délimitent le périmètre de sécurité. Quand des gendarmes à moto franchissent ce barrage, ils sont applaudis.