Assises de la maternelle: «On a réorganisé l'école autour des besoins de l'enfant»
REPORTAGE•Alors que les Assises de la maternelle démarrent ce mardi, «20 Minutes» a visité une école ayant une approche pédagogique différente...Delphine Bancaud
L'essentiel
- Dans cette école maternelle parisienne, les enfants d’âges différents sont mélangés dans les classes, ce qui favorise l’autonomie et la transmission des savoirs.
- Les enfants choisissent leurs activités qu’ils accomplissent à leur rythme.
- Les enseignants estiment que ce système permet un suivi plus individuel des enfants.
- Et les petits semblent plus heureux de venir à l’école qu’avant.
Ce lundi matin à l’école maternelle Saint-André des Arts à Paris, rares sont les enfants qui s’accrochent au cou de leurs parents pour prolonger les « au revoir ». Presque tous entrent joyeusement dans la classe. Il faut dire que leur école est un peu différente : depuis septembre 2016, les quatre classes sont de triples niveaux et mélangent donc des enfants de plusieurs âges.
L’école s’est réorganisée autour d’une approche éducative, inspirée de Montessori et de la démarche de Céline Alvarez, qui favorisent le choix des activités par les enfants, le développement de leur autonomie, le suivi individuel des élèves… Le type de pratiques pédagogiques que le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, veut justement mettre à l’honneur lors des Assises de la maternelle qui se tiendront ces mardi et mercredi.
Entraide et autonomie
Dès qu’ils ont mis un pas dans la salle, les 26 élèves de la classe rose choisissent un jeu ou une activité créative sans intervention de la maîtresse, Coralie. Deux fillettes s’aident mutuellement à enfiler une blouse et commencent à peindre. Quelques mètres plus loin, des camarades commencent un puzzle, alors que d’autres jouent avec une ferme et des animaux. La salle de classe étant divisée par îlots d’activités, les enfants se répartissent naturellement dans l’espace.
Au bout d’un quart d’heure, la classe ressemble à une ruche où les petites abeilles s’affairent autour qu’une quinzaine d’activités différentes. Tout cela sous l’œil protecteur et aiguisé de leur enseignante, qui veille à ce qu’aucun enfant ne reste oisif. « Cette organisation me demande énergie et réactivité », sourit-elle, avant de virevolter de groupe en groupe.
Elle est sans cesse sollicitée par l’un ou par l’autre : « la consigne est claire : pour me demander quelque chose, un élève doit d’abord me toucher le bras », explique-t-elle. « Maîtresse, je voudrais écrire la date », demande d’ailleurs Wilfried, 6 ans. Un peu plus loin, Eva va chercher une pochette de lecture, qui contient plusieurs mots à déchiffrer. « Léa a bu », lit-elle. « Je ne lui ai pas appris à lire, mais elle a compris la combinatoire grâce à des jeux progressifs de repérage phonologique associant petits objets familiers et lettres rugueuses», commente l’enseignante.
Le respect du développement naturel de chaque enfant
Le plus surprenant, c’est que Coralie n’a pas besoin de lever la voix. Les enfants sont disciplinés et s’entendent plutôt bien. « Ils respectent les règles », confirme Sylvie, l’Atsem de la classe. C’est au tour de Cléo d’être accompagnée par l’enseignante, qui lui fait utiliser des morceaux de bois Montessori pour l’initier à la numération.
Très concentrée, la petite fille de trois ans réussit l’exercice et reçoit les félicitations de la maîtresse. « Je veille à les encourager beaucoup pour qu’ils aient confiance en eux », explique-t-elle. Une approche bienveillante qui permet aux enfants de découvrir de nouvelles activités sans appréhension et de ne pas se bloquer lorsqu’ils rencontrent une difficulté. Quant à Elias, il se familiarise avec les formes et désigne à sa maîtresse un cube, un pavé et une sphère, tout fier de lui.
Chaque enfant évolue à son rythme et l’enseignante note sur un petit carnet les jeux qu’ils ont réussis afin d’évaluer leurs progrès. « Les enfants n’hésitent pas à se lancer dans une nouvelle activité, car ils savent qu’on ne les forcera pas à la poursuivre si tout d’un coup ils veulent s’arrêter », précise Hervé, le directeur de l’école. Et bien souvent les plus grands aident les plus petits à trouver une image sur un mémo ou à étaler un tapis. Mais les plus jeunes élèves font preuve de débrouillardise.
Une autonomie qui se manifeste dans les petits gestes : les élèves vont spontanément jeter leurs mouchoirs à la poubelle, essuyer les gouttes de peinture qu’ils ont fait tomber par terre ou ranger leurs jeux. « Petit à petit, ils apprennent à faire les choses seuls et sont de plus en plus adroits », note Sylvie. Au bout d’une heure et demie, Coralie réunit les enfants autour d’elle pour un jeu de langage autour de L’histoire des quatre souris. Elle adapte ses questions en fonction de chaque enfant. « Il y a plusieurs temps collectifs au cours de la journée », précise-t-elle.
« On a récupéré des élèves du privé »
Place ensuite à la récréation. L’occasion pour Coralie d’analyser son quotidien : « Avant de travailler avec cette pédagogie, j’avais toujours peur de passer à côté de certains enfants. Désormais, j’ai l’impression d’être davantage en interaction avec eux et de les connaître tous bien », explique-t-elle. Hervé mesure aussi les bénéfices de ces pratiques pédagogiques sur le bien-être des enfants : « Auparavant, les enfants avaient du mal à se mettre en activité le matin, à gérer leurs frustrations et leurs conflits… On a vraiment réorganisé l’école autour des besoins de l’enfant et aujourd’hui, il y a beaucoup moins d’incivilités entre les élèves et ils ont plus de plaisir à y venir », constate-t-il.
Un avis partagé par Sylvie : « Ce qui change avec les écoles classiques, c’est l’envie des enfants de se retrouver en classe », observe-t-elle. « J’aime bien l’école », déclare d’ailleurs Quitterie.
Et alors qu’on aurait pu craindre quelques réticences des parents d’élèves concernant cette approche pédagogique, il n’en est rien selon Hervé : « Ils nous ont toujours soutenus et partent au travail l’esprit tranquille ». D’ailleurs, le bouche-à-oreille concernant l’école fonctionne bien et les inscriptions ont même augmenté depuis deux ans. « Les familles viennent naturellement à nous après avoir eu connaissance de notre projet », se félicite le directeur.