Elèves harcelées en prépa à Saint-Cyr: L'enquête édifiante de «Libération»
SEXISME•« On retrouve les filles en pleurs dans les couloirs, prêtes à tout arrêter du jour au lendemain »...
Manon Aublanc
«Une machine à broyer les femmes ». C’est le titre de l’enquête édifiante dévoilée ce vendredi par Libération. Selon le quotidien, des jeunes filles en classe préparatoire à l’école militaire de Saint-Cyr (Yvelines) auraient été harcelées par un petit groupe de garçons ultraconservateurs et sexistes, prêt à tout pour décourager les autres élèves.
« Harcèlement moral, intimidations, insultes, humiliations, marginalisation, coups bas »… Selon les témoignages recueillis par le journal, à Saint-Cyr, « le sexisme est érigé en système » et « en quasi toute impunité » par une soixantaine d’élèves ultraconservateurs surnommés les « tradis ». Ces jeunes hommes, issus du milieu catholique traditionaliste, se disent proches de l’extrême droite et affichent ouvertement des idées contre les homosexuels ou l’avortement.
Un harcèlement violent et continu pour les jeunes filles
En décembre 2017, une des jeunes femmes scolarisée à Saint-Cyr et victime de harcèlement avait pourtant alerté Emmanuel Macron dans une lettre. Elle y expliquait avoir été persécutée pendant deux ans par un groupe de garçons, déterminés à lui faire abandonner la prépa. Les récits des jeunes femmes harcelées font froid dans le dos : « Coups de pied dans les portes la nuit pour empêcher les filles de dormir, défécation devant leur chambre, refus de manger à la même table qu’elles à la cantine, pancartes "à mort les grosses" affichées dans l’internat, chansons composées des termes "salopes", remise du "concombre d’or" devant toute la promotion à la jeune fille qui a "le plus cuissé durant l’année" ». Les humilitations sont nombreuses pour les étudiantes, considérées comme « des moins que rien » par les « tradis ».
Ces jeunes hommes seraient « prêts à tout » pour éliminer toute forme de concurrence - surtout les élèves filles - et entrer à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, le but ultime de ces étudiants. « On retrouve les filles en pleurs dans les couloirs, prêtes à tout arrêter du jour au lendemain, rapporte une source interne. Entre le stress des concours, l’intensité des semaines de cours et ce sexisme en situation de force, beaucoup d’étudiantes n’arrivent plus à contrôler leur sentiment de détresse », confie une des victimes.
« Si tu n’es pas avec nous tu es contre nous »
Et les garçons aussi sont des cibles potentielles pour ces harceleurs. A chaque rentrée, les « tradis » recrutent de nouveaux membres : « Si tu ne rejoins pas leurs rangs, tu seras considéré comme un « souz » [un sous-homme, ndlr], raconte Pierre, élève de classe prépa. Les tradis sont dans cette logique de "si tu n’es pas avec nous tu es contre nous". Les non-suiveurs sont marginalisés durant le reste de l’année. Mais je ne peux pas vraiment me plaindre quand je vois ce que les tradis réservent aux étudiantes. »
Des cas de harcèlements avaient déjà été signalés en 2015 à Saint-Cyr, raconte Libération. Cette année-là, la section « sciences économiques » de la prépa avait été supprimée après des « comportements discriminatoires à l’égard des élèves féminines » et de « conduites vexatoires et blessantes » de la part de ces mêmes élèves, « les tradis ». La ministre des Armées, Florence Parly, a immédiatement réagi sur RTL ce vendredi matin : « Pour ce qui me concerne, c’est tolérance zéro ».