Strasbourg: La ville restera-t-elle la capitale française de la petite reine? Trois fous du vélo témoignent
TRANSPORTS•Strasbourg restera-t-elle la capitale française du vélo? Trois usagers racontent leur quotidien alors que la Fédération des usagers de la bicyclette dévoilera ce vendredi son Baromètre des villes cyclables...Bruno Poussard
L'essentiel
- Après une longue enquête, la Fédération des usagers de la bicyclette dévoilera ce vendredi son Baromètre des villes cyclables en France.
- Connue depuis des années comme la capitale du vélo, Strasbourg et ses nombreux cyclistes au quotidien attendent son résultat avec impatience.
Strasbourg, c’est pas (encore) la Champions League. Mais la ville porte néanmoins le maillot jaune. Vous connaissez le refrain : la cité alsacienne est la capitale française du vélo, du haut de ses 600 km d'itinéraires cyclables, ses 6.000 Vélhop à la location, ses 8% de citoyens à vélo au quotidien, ses 19.000 arceaux, ses parkings dédiés, ses vélorues…
Ces infrastructures toujours en évolution lui suffiront-elles, toutefois, à conserver son titre, acquis avec une politique en faveur de la petite reine depuis les années 80 ? A l’occasion de son 18e congrès, la Fub, Fédération des usagers de la bicyclette, dévoilera justement ce vendredi les résultats attendus du Baromètre des villes cyclables. En attendant, 20 Minutes a interrogé trois fous du vélo strasbourgeois sur leurs déplacements et les aménagements des rues de la ville qu’ils fréquentent du 1er au 31 décembre. Par choix. Depuis des années déjà.
Grégory Delattre, 39 ans, père de famille en vélo-cargo :
Né à Schiltigheim, Grégory a vu Strasbourg se transformer et « s’apaiser » avec l’arrivée du tram. Pour ce géographe, la petite reine est devenue un mode de vie. A 39 ans, il a un vélo de ville, une bicyclette de randonnée et un vélo-cargo, équipement découvert à Copenhague en 2007. C’est ce triporteur danois qu’il utilise le plus pour emmener ses enfants à l’école tous les jours :
« « C’est plus confortable qu’un siège classique pour mes deux enfants. Mais on peut quasiment tout faire avec, aller à la déchetterie, déménager, transporter des matelas, des amis à nous… La seule chose que je n’ai pas réussi à mettre, c’est un piano. » »
Ce trentenaire en a même écrit un livre, Cargologie, sorti en 2016 après la création du blog iBike Strasbourg en 2012. Selon ce spécialiste, malgré les efforts répétés, des choses restent à faire sur le réseau cyclable strasbourgeois. Parmi les défauts, Grégory cite des « aménagements manquants sur certains grands axes » (comme les boulevards de Nancy ou de Lyon près de la gare), « d’autres, datant des années 90, qui ne sont plus adaptés » ou encore des « villes de la première couronne » pas aussi bien loties en infrastructures pour des trajets plus longs sur les pistes et des « connexions défaillantes ». Mais d’après lui, pas de doute, Strasbourg mérite toujours son titre grâce, notamment, aux automobilistes plus sensibilisés qu’ailleurs au respect des cyclistes.
Isabelle Gillot, 59 ans, présidente d’une association d’autoréparation :
Strasbourgeoise depuis 1982 et habitante du quartier de la Krutenau, Isabelle n’a plus du tout de voiture. Depuis qu’une collègue l’a accompagnée dans son premier trajet à vélo vers le travail, elle n’a plus voulu quitter ce « sentiment de liberté », profitant d’une ville plate et d’itinéraires doux. Équipé d’un panier, d’une sacoche et d’une remorque, son VTC est même fréquemment utilisé, au bureau, pour transporter plus vite. Ou pour aller faire ses courses jusqu’en Allemagne ou à la Vigie, grâce aux parcours dédiés, de préférence à l'écart des piétons :
« « Mais tout n’est pas parfait. Il y a parfois des ruptures entre certaines pistes et d’autres qui n’ont clairement pas été construites par des gens qui font du vélo, ça se voit sur certains nœuds. Si elles sont très visibles à certains endroits, il y en a d’autres où il faut bien chercher pour trouver les pistes, c’est parfois un peu dommage. En fait, il faut surtout savoir adapter au mieux son itinéraire pour pouvoir rouler. » »
Trouver le chemin adapté devient petit à petit une des spécialités d’Isabelle. Une collègue l’a même récemment sollicitée pour savoir comment venir depuis Duttlenheim. Désormais présidente de Vélostation, association d’autoréparation de vélo née en 96, Isabelle aimerait justement aider à faire comprendre que « le centre-ville n’est pas si loin » pour les habitants des quartiers (et communes) environnant(e) s.
Léo Antoine, 22 ans, coursier et réparateur à vélo :
Originaire de banlieue parisienne, Léo a débarqué à Strasbourg pour des études de philosophie en 2015. Après s’être mis à la bicyclette, ce désormais salarié de la boîte Tomahawk a décidé de se transformer à plein temps en coursier (et réparateur pour Cyclofix) pour le « travail manuel » et le « bien-être sportif ». Équipé de deux fixies, le jeune homme a l’habitude d’emprunter les grands axes - comme les quais, l’avenue de Colmar ou l’allée de la Robertsau - quand il veut se déplacer vite. Et plutôt sur la route :
« « Les pistes cyclables, je les favorise en dehors des grands axes, sauf si elles sont vraiment séparées de la route tout en ne rallongeant pas le trajet. Ici, les aménagements vélos sont de plus en plus cohérents, mais parfois encore trop contraignants. » »
Grâce à la hype des singles speeds et pignons fixes - aux centaines d’adeptes à Strasbourg -, Léo a découvert une grosse communauté de cyclistes urbains et compétiteurs qui, organisés par téléphone ou Facebook, vont rouler mercredi soir ou dimanche matin sur les pistes le long du Rhin ou du canal de la Bruche. En attendant de monter un critérium au nord de Strasbourg, le livreur et son colocataire (notamment) ambitionnent de monter un troisième team de coursiers dans la ville. Le vélo a la cote.