A Nice, la ministre de l'Enseignement supérieur Frédérique Vidal a laissé un souvenir mitigé
PORTRAIT•Présidente de l’Université Nice-Sophia Antipolis de 2012 à 2017, la ministre de l’Enseignement supérieur avait profondément réformé l’institution. Ce mardi, des étudiants niçois bloquaient Valrose, campus niçois où elle enseignait, pour dénoncer les masters payants qu’elle a contribué à mettre en place…Fabien Binacchi et Mathilde Frénois
Son portrait est affiché près du portail du campus Valrose, à Nice. Et les mots « Coucou Vidal, c’est nous », l’entourent. Elle, c’est l’actuelle ministre de l’Enseignement supérieur. Eux, ce sont les étudiants qui bloquent l’accès au site de l’université. Ils protestent contre l’instauration des masters payants. Rassemblés dans le collectif Sauve ta fac, ils estiment qu’une expérimentation « néfaste » est mise en place à Nice et qu’elle a été instaurée par l’ancienne présidente de l’université de Nice.
« Toujours très professionnelle et intègre » pour les uns, « élitiste » et fermée à la concertation pour les autres. Début mars, Frédérique Vidal était de retour à Nice, au côté du Premier ministre Edouard Philippe, pour visiter l’Institut méditerranéen du risque, de l’environnement et du développement durable, centre de référence en matière d’enseignement et de recherche sur la thématique du « territoire intelligent » ou « smart city ».
Près de la promenade des Anglais, où elle a passé cinq années à présider aux destinées de l’Université de Nice, jusqu’en mai 2017, la ministre de l’Enseignement supérieure et de la Recherche a laissé derrière elle des avis tranchés, aux antipodes.
« Elle a toujours avancé avec une vision extrêmement humaniste des choses. Elle n’a jamais fonctionné dans son propre intérêt », décrit Erwan Paitel, ancien bras droit de la docteur en génétique de 53 ans. Dans la lancée de leur collaboration, il est aujourd’hui directeur opérationnel du programme formations de l’Idex, les « initiatives d’excellence » que Frédérique Vidal a pu obtenir en créant, en 2015, l’Université Côte d’Azur.
Ce groupement, qui réunit, en plus de l’Université de Nice, les autres acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche azuréens (CNRS, Observatoire de la Côte d’Azur, Skema Business School, INRIA, CHU de Nice, etc.), fait grincer des dents. La réforme de la ministre aurait fait se détériorer les conditions de travail.
Avec ou sans consultations des personnels ?
« Tout a été une marche forcée sans consultation des personnels », juge anonymement une enseignante syndiquée de cette université de 28.000 étudiants. Selon elle, les réformes entreprises par Frédérique Vidal auraient été marquées par une certaine… fermeture.
« Faux », reprend Erwan Paitel. « Il y a eu au contraire, dans toute la démarche, une logique de « bottom up ». Tout le monde a été mis au courant de chaque étape, et l’ensemble des membres de l’université ont été invités à se prononcer. Il y a eu 350 remontées qui ont toutes été soigneusement étudiées. »
Des formations moins valorisantes mises de côté
Pourtant, des personnels universitaires resteraient amers. « Autour de moi, elle n’a laissé que des avis négatifs », raconte un formateur. « Frédérique Vidal a répondu aux projets ministériels qui consistaient à rentrer dans une démarche d’excellence, dit-il. Et ça a joué sur le nombre de formations proposées. Celles qui n’auront plus les moyens ne rouvriront pas et les étudiants niçois devront aller ailleurs. »
« Elle mettait en avant la visibilité de l’université à l’extérieur. Et cela au détriment des autres formations qui ne constituaient pas une vitrine. Aujourd’hui, dans certains cursus, les enseignants font un nombre d’heures incalculables », peste encore cet enseignant.
« Elle a tout fait pour faire avancer le navire »
« Elle a anticipé sur toutes les mesures. Elle a joué un double jeu. Elle a toujours voulu se placer en très bonne élève du ministère », attaque encore la syndicaliste, laissant entendre que le plan de carrière de Frédérique Vidal aurait pu être tout tracé.
À Nice, il se murmure que la scientifique, née à Monaco de parents hôteliers à Beausoleil, n’était pas vraiment passionnée pour les hautes sphères de l’État. Un paramètre qui lui a sans doute permis d’être choisie comme l’un des « ministres techniciens » du gouvernement d’Edouard Philippe : calé dans son domaine, mais novice en politique.
« Elle a pu rencontrer Emmanuel Macron début 2016, après l’obtention de l’Idex. Et elle s’est intéressée à la dynamique initiée par le mouvement En Marche, reconnaît Erwan Paitel. Mais tout ce qui a été fait au sein de l’université, elle l’a entrepris avec une vision extra-locale des choses et avec comme seul but de faire avancer le navire. » Le navire de l’université de Nice où Frédérique Vidal aura finalement tout fait et tout tenu : de ses propres études à un poste de maître de conférences, jusqu’à la présidence.
Sa nomination au ministère aurait d’ailleurs pris de court les responsables des campus niçois. Nicolas Rodi, par exemple, vice-président « étudiants » et ancien responsable de la Face06, une fédération estudiantine, avoue avoir « été très surpris » : « Ici, on s’attendait plutôt à ce que soit François de Rugy qui soit désigné à son poste ».