Marseille: Le couscous, d’outil politique entre les pays du Maghreb à plat préféré des Français
PATRIMOINE•Les pays du Maghreb, qui revendiquent la patérnalité du couscous, souhaitent le faire inscrire au patrimoine mondial de l’UNESCO…Adrien Max
L'essentiel
- Les pays de Maghreb veulent faire inscrire le couscous au patrimoine mondial de l’Unesco tandis que l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, revendique l’origine de ce plat ancestral.
- À travers le couscous, émerge l’idée d’un rapprochement entre ces différents pays au niveau politique.
- Le couscous a depuis longtemps traversé les frontières pour devenir un des plats préférés des Français.
La bataille du couscous. Les pays du Maghreb ont annoncé en janvier vouloir faire inscrire le couscous au patrimoine mondial de l'Unesco. Pourtant, ce plat ancestral est un sujet sensible dans cette région puisque Algérie, Maroc et Tunisie revendiquent sa patérnalité. Pour preuve, l’Algérie avait voulu faire inscrire le couscous au patrimoine immatériel de l’humanité en 2016 de manière unilatérale, suscitant un tollé au Maroc, son voisin et rival.
Ahmed et Nordinne Miladi, deux frères tunisiens, tiennent chacun un restaurant à proximité du Vieux-Port à Marseille depuis 40 ans. L’Elyssa pour Nordinne et la Kahena pour Ahmed. Leur spécialité ? Le couscous bien évidemment. Selon Ahmed, le couscous vient d’Algérie, de Tunisie, du Maroc, et même de Libye. « Ce sont les Berbères qui ont inventé le couscous au VIIe siècle, pas les Arabes. Le couscous est berbère », insiste ce spécialiste.
Le couscous dépasse les frontières
Agneau, poulet, poisson, il existe de nombreuses déclinaisons du couscous, même si la base reste la même : de la semoule, des légumes et des épices. « Le vrai couscous se fait avec l’agneau et le poulet et le couscous au poisson est typiquement tunisien. Ce sont les juifs tunisiens les premiers à avoir fait un couscous au poisson », raconte Ahmed. « Et le poisson c’est uniquement du mérou », précise Nordinne.
Quant à la volonté d’un rapprochement des pays maghrébins grâce au couscous, Ahmed en sourit. « Le Maghreb est rassemblé depuis longtemps, on parle la même langue, on a la même religion, la même culture. Il n’y a qu’en politique qu’ils n’arrivent pas à s’entendre. Mais c’est vrai, le couscous rassemble parce que c’est un moment de partage », considère Ahmed.
Il a d’ailleurs largement dépassé les frontières pour conquérir l’Europe, et pas seulement. Les travailleurs algériens, puis les pieds-noirs y sont pour beaucoup. « Même pendant la guerre d’Indochine, les soldats originaires des colonies y préparaient le couscous », raconte Ahmed. Résultat, près de 90 % de la clientèle des deux frères est d’origine européenne. Les couples de retraités venus déguster un couscous en ce mercredi midi en sont la preuve.
Un plat complet qui fait voyager
Et toutes les raisons sont bonnes pour venir manger un couscous, devenu l’un des plats préférés des Français, selon plusieurs études. « C’est un plat complet, il y a de tout. C’est très nourrissant et il se digère vite », expliquent Annie, Éliane et Micheline qui apprécient beaucoup les épices aussi. Sabrina vient manger un couscous au restaurant Fémina toutes les deux semaines : « Ça me rappelle mes origines algériennes et kabyles. C’est un plat complet, copieux, et qui est très convivial parce qu’on le partage. Surtout, je voyage en mangeant du couscous », explique-t-elle.
Isabelle est végétarienne. Mais ça ne l’empêche pas de venir se délecter d’un bon couscous de temps en temps. « Il y a beaucoup de légumes, je choisis la semoule d’orge qui est beaucoup plus digeste et sans gluten. Ma maman a pris l’habitude d’en cuisiner un, chaque 31 décembre au soir. » Le couscous semblent même s'inscrire dans les traditions européennes, reste à voir s’il parviendra à unir les pays maghrébins.