Strasbourg: Ils livrent vos repas, mais les coursiers à vélo sont-ils formés à la sécurité?
A BICYCLETTE•Nombreux dans les rues de Strasbourg comme de grandes villes de France, les coursiers ne s’intéressent pas tous de la même manière à leur sécurité et celle des autres, mais des acteurs les sensibilisent…Bruno Poussard
L'essentiel
- Des « cafés vélo » sont organisés pour accompagner les livreurs et répondre à leurs questions.
- Deliveroo a distribué des milliers de casques et lumières à ses livreurs.
«Ah ces coursiers, ils sont complètement fous ! » Quel habitant d’une grande ville de France n’a jamais entendu cette affirmation, à propos de ceux qui livrent vos repas à toute heure et par tous temps ? Interrompu au milieu de la Grand’rue à Strasbourg ce mercredi, Rémi*, lui, utilise sa sonnette pour se frayer doucement un chemin au milieu des piétons, guidé par le smartphone vissé sur le guidon de son VTT.
« Quand je roule, je fais passer ma vie avant mon job, insiste cet étudiant en école d’ingénieur qui profite des vacances pour se faire un petit pécule en livrant à vélo. Mais c’est vrai qu’il y a des risques. Ça peut m’arriver d’être un peu plus pressé et d’analyser au mieux la situation, mais je préfère ne pas me mettre en danger pour rien. Un accident n’est dans l’intérêt de personne. »
Des cafés vélo pour les livreurs
Mais tous les (souvent jeunes) coursiers ne sont pas aussi prudents et informés de tous les risques qu’implique le statut d’auto-entrepreneur. Directeur du Cadr67, une des plus vieilles associations d’usagers de vélo du pays, Fabien Masson ne veut néanmoins surtout pas stigmatiser ces pratiquants « en bout de chaîne et dont la situation s’améliore d’ailleurs doucement » :
« C’est une minorité d’usagers cyclistes qui font qu’aujourd’hui on a une petite problématique de cohabitation, même si l’accidentologie, elle, est faible et en baisse. »
Depuis janvier, l’organisation a tenu deux premiers « cafés vélo » pour accompagner les livreurs. Outre un marquage des bicyclettes, ses bénévoles ont répondu à leurs questions. Du type : « ai-je le droit rouler avec une seule oreillette à l’oreille ? » ou « si un tourne-à-droite autorisé a disparu, puis-je encore tourner au feu rouge ? »
La plateforme Deliveroo s’en « préoccupe » aussi
« L’idée, c’est de parler de tout, de leur quotidien, ce qu’ils ont le droit et pas le droit de faire – d’autant qu’un certain nombre n’a pas encore de permis [voiture] –, la sécurité, le comportement des autres usagers… », complète Fabien Masson. Pas seulement du volet réglementaire donc, mais aussi de leurs problèmes ou questions techniques. Et des initiatives similaires existent aussi à Paris ou Lyon.
L’enjeu est de réussir à sensibiliser ces travailleurs parfois esseulés, du fait d’un grand turnover dans la communauté des coursiers. Et les plateformes aussi s’y intéressent. À l’aube de son troisième anniversaire en France, Hugues Decosse, à la tête de Deliveroo – qui paye désormais ses livreurs à la course – dans l’hexagone, explique avoir distribué des milliers de casques et lumières aux intéressés :
« Quand ils commencent, tous les livreurs ont aussi une petite formation où leur sont rappelées les règles et les notions de sécurité. S’il concerne tout le monde, le respect du Code de la route est toutefois même désormais contractualisé dans les prestations commerciales. Après, on ne peut pas, légalement, forcer à porter des casques. À nous de trouver moyens pour encourager encore la sécurité. »
« Le danger des voitures » au centre de discussions de coursiers
En plus de proposer une assurance responsabilité civile et une complémentaire santé aux auto-entrepreneurs, l’entreprise a monté des partenariats avec la préfecture de Paris et avec la Fédération des usagers de bicyclette en France, leurs bénévoles et leurs outils, autour de « Roo cafés » similaires dans la capitale afin de tenter d’aborder ces sujets de manière « ludique ».
Car la sécurité n’est pas forcément au centre des discussions au sein des communautés locales de coursiers, même si les graves accidents en font vite le tour. « On parle plus des galères quotidiennes, des aménagements, du danger des voitures et de celles qui vous doublent pour freiner au feu rouge 50 mètres après, des dégâts matériels ou des vols de vélo… », témoigne encore Rémi.
*Le prénom a été changé à sa demande.