MIGRANTSL'Assemblée s'échauffe sur un premier texte de la loi asile

Loi asile: L'Assemblée s'échauffe sur un premier texte, vifs débats dans la majorité

MIGRANTSLes députés ont voté « conforme » la proposition de loi sur « la bonne application du régime d’asile européen » malgré les contestations d’une partie de la majorité…
Le projet de loi asile a fait débat à l'Assemblée nationale le 15 février 2018.
Le projet de loi asile a fait débat à l'Assemblée nationale le 15 février 2018. - Jacques Witt / Sipa/SIPA
N.Sa avec AFP

N.Sa avec AFP

L'essentiel

  • De plus en plus d’exilés qui demandent l’asile en France se voient opposer le règlement Dublin, qui les oblige à déposer leur dossier dans le premier pays européen où ils sont entrés.
  • La loi d’asile souhaitée par le gouvernement, faciliterait le placement en rétention des demandeurs « dublinés ».
  • Ce projet de loi, durcit après son passage au Sénat, fait débat au sein même de la majorité.

Une loi loin de faire l’unanimité, même au sein de la majorité. L’Assemblée a adopté définitivement jeudi soir une proposition de loi, souhaitée par le gouvernement, pour faciliter le placement en rétention des demandeurs « dublinés », en dépit de vives réticences.

Un placement en rétention controversé

Les députés ont voté « conforme » cette proposition de loi sur «la bonne application du régime d'asile européen», qui vise à « sécuriser le placement en rétention » des étrangers «Dublin», le règlement européen qui confie en principe le traitement d’une demande d’asile au premier pays où la personne a été enregistrée.
Ce placement a été jugé illégal en septembre par la Cour de cassation, du fait de l’absence, dans la loi, de critères établissant « le risque non négligeable » de fuite du demandeur pour justifier une rétention plutôt qu’une assignation à résidence.

Or, pour le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, qui a fait de l’augmentation des transferts de ces « dublinés » l’une de ses priorités, « sans placement en rétention, il ne peut y avoir d’efficacité de notre politique d’éloignement ».
Le gouvernement, vivement soutenu par le rapporteur UDI-Agir Jean-Luc Warsmann, a plaidé qu’il ne pouvait attendre le projet de loi « asile et immigration », en conseil des ministres mercredi mais dont le parcours parlementaire ne débutera qu’en avril.

« Dans le contexte de forte pression migratoire actuel, nous ne pouvons nous permettre de tels délais », a plaidé en séance la ministre auprès du ministre de l’Intérieur, Jacqueline Gourault, soulignant que la France est devenue ces derniers mois un « pays de rebond » pour les déboutés, notamment depuis l’Allemagne.

Les nouveaux critères définissant le risque de fuite font débat

Votée en première lecture en décembre à l’Assemblée, cette proposition a pris un tour plus controversé depuis son passage au Sénat, à majorité de droite, qui a ajouté de nouveaux critères à la liste définissant le risque de fuite (comme lorsque l’étranger refuse de donner ses empreintes digitales ou dissimule son parcours migratoire) et réduit le délai de recours dans certains cas.

Ces ajouts ont provoqué de vifs débats, comme en commission, au sein de la majorité, dont de nombreux membres ont plaidé, en vain, pour revenir à la version de l’Assemblée. « Il y a un danger de banaliser l’enfermement », a jugé Florence Granjus (LREM). Pour Delphine Bagarry (LREM), « quand on arrive à l’automutilation sur ses empreintes, ce n’est pas de la fraude, mais du désespoir ». « En allant vite, on va fabriquer du contentieux », a renchéri le Modem Erwann Balanant.

Mais une autre partie de la majorité, emmenée par Elise Fajgeles et Florent Boudié, respectivement rapporteure et chef de file LREM du futur projet de loi asile, ont jugé « que ce n’est pas le moment de commencer les débats » sur ce texte. « Je partage tellement de choses avec vous, mais ce n’est pas aujourd’hui qu’on va remettre en cause le règlement Dublin », a lancé Elise Fajgeles à ses collègues LREM.
Jacqueline Gourault a quant à elle fait comprendre que le gouvernement ne s’opposerait pas à des amendements dans le projet de loi asile pour revenir sur ces points controversés.

Gérard Collomb n’a pas su convaincre les parlementaires

Le texte a été en revanche voté par le LR Eric Ciotti pour qui « la rétention doit être la clé de voûte de notre politique d’éloignement ». Il a été combattu à gauche, Danièle Obono (LFI) « y voyant un enfermement de personnes pour la simple raison qu’elles n’ont pas fait la demande dans le bon pays ».
Les débats ont pris un tour d’autant plus politique à l’approche du projet de loi asile, qui entend à la fois réduire les délais d’examen des demandes d’asile, faciliter les reconduites des déboutés et l’intégration de ceux admis.

En dépit d’une « pédagogie intensive » depuis plusieurs semaines auprès de sa majorité, Gérard Collomb, qui s’exprimera à nouveau devant les députés LREM-MoDem mercredi, est loin d’avoir convaincu tous les parlementaires.
Deux thèmes sont sensibles : les droits des demandeurs d’asile pendant la procédure ; et le passage de la durée maximale de rétention de 45 à 90 jours - voire 135 en cas d’obstruction - dans des centres décrits par certains comme « une prison à ciel ouvert ».

La majorité, qui va essayer de résoudre en amont ces divergences, compte trouver in fine un « équilibre ». « A ceux qui rêvent que la majorité se fracture sur ce texte, nous ne vous ferons pas ce plaisir. Trouver des compromis ambitieux est dans l’ADN d’En Marche », a lancé aux LR Matthieu Orphelin.