PSYCHOLOGIEComment réagir et aider un proche victime de violence sexuelle

#MeToo: Comment réagir et aider un proche victime de violence sexuelle

PSYCHOLOGIEDepuis #MeToo, de nombreuses victimes de viol, d'agression et harcèlement sexuel ont pris la parole, parfois auprès de leurs proches qui ne savent pas toujours comment les épauler...
Oihana Gabriel

Oihana Gabriel

L'essentiel

  • Depuis trois mois, sur les réseaux sociaux, dans les commissariats mais aussi dans le privé, certaines femmes sortent du silence et dévoilent qu’elles ont subi un viol, un harcèlement sexuel, une agression.
  • Mais un proche, une amie, une sœur ne sait pas toujours comment réagir.
  • Chaque violence est vécue différemment. Ecouter, soutenir et s’adapter semblent fondamental.

Une confidence qui peut plonger dans la stupeur, dans la peur de banaliser ou de dramatiser… Depuis #MeToo et la libération de la parole, nombre de victimes de violences sexuelles ont témoigné. Parfois auprès d’un proche, qui ne sait pas toujours comment réagir face à une amie, une sœur, une cousine qui dévoile un événement parfois traumatique.

Ecouter

Si juridiquement un viol, une agression sexuelle et un harcèlement sexuel sont très différents, « les conséquences psychologiques peuvent être les mêmes », assure Gérard Lopez, psychiatre et président-fondateur de l'Institut de Victimologie. Et souvent on ne croit pas ces victimes. »

« Parfois, un proche n’a pas les bonnes réactions : on peut minimiser (« ça va, ce n’est pas un viol »), maximiser (« mais c’est horrible ! »), explique Olivia Mons, porte-parole de France Victimes. Le bon sens est la chose la moins partagée, d’autant plus quand le proche est impacté. On peut faire des bêtises. » Surtout quand on se sent coupable de ne pas avoir vu cette amie changer…

Si un proche se confie sur un épisode de violence sexuelle, quel que soit le choc, il ne faut pas l’interrompre. Encore moins s’en moquer. « Surtout ne pas mettre en doute sa parole. On n’est ni policier, ni procureur, ni expert », insiste Gérard Lopez. Dire « je te crois » plutôt que « tu es sûre ? ». L’important, ce n’est pas les faits, mais le ressenti.

Soutenir

« Il faut montrer ensuite qu’on est toujours à ses côtés : tu n’y es pour rien, l’agresseur n’avait pas le droit de faire ça et on va trouver de l’aide », renchérit Emmanuelle Piet, présidente du Collectif féministe contre le viol.

Mais quand il s’agit de harcèlement sexuel, les victimes se heurtent parfois à l’incompréhension. Combien de témoignages sur les réseaux sociaux prouvent que beaucoup font face à l’interrogation : Pourquoi ne pas avoir dit non ? « Il faut surtout ne pas lui dire « à ta place, moi je », tranche Marilyn Baldeck de l’Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail (AVFT). Comment ça se fait que ça dure depuis six mois ? La victime n’a pas forcément le choix. »

« C’est très compliqué de savoir comment ce harcèlement sexuel s’est mis en place, souligne Pascale Molinier, psychologue et professeure de psychologie sociale à l’Université Paris 13 Nord. Certaines personnes dominatrices ont une capacité d’emprise, une manière de manipuler l’autre très impressionnante. La question du consentement peut constituer une zone grise. On ne dit pas toujours parfaitement non. On pense qu’on va être plus fort. C’est une relation, qui évolue, des textos à 20h se transforment en poèmes érotiques… C’est important de rappeler la loi. Mais aussi de demander à la personne dans quel état psychologique ça la met maintenant de parler de cette violence sexuelle. »

S’adapter

Car chaque situation est unique. « Tout dépendra de la façon dont l’autre en parle, insiste Laurie Laufer, psychanalyste et professeur en psycho-pathologie à l’Université de Paris 7. Personne ne vit la même chose de la même façon. Si on banalise quelque chose de grave, ça rajoute du dramatique. » D’autant que souvent, raconter ravive des émotions fortes. « Personne n’est en mesure de mesurer la gravité pour un autre, reprend-elle. On le voit dans le débat actuel après #MeToo. Pour les unes, être importunée fait partie des rapports hommes femmes, pour les autres, c’est du harcèlement inadmissible. »

Il n’y a donc ni jauge de tolérance universelle… ni réaction généralisable. « Mais une variété de contextes dans lesquels il faut avoir l’intelligence de la situation, renchérit Pascale Molinier. Il y a des gens en colère, mais pas atteints dans leur intégrité psychique. D’autres vont vivre cette violence sexuelle à un moment de vulnérabilité et peuvent être durablement blessés. » Quel que soit ce ressenti, « il ne faut surtout pas la réduire à un statut de victime ».

Déculpabiliser

C’est parfois la honte qui impose le silence pendant des années. Une honte qui se double souvent d’un sentiment de culpabilité. « Elles se disent parfois "j’ai dû faire quelque chose pour que ça m’arrive", reprend la psychologue. Or les études vont à l’encontre des clichés sur l’apparence : on a plus de risque de se faire violer quand on est fragile, mal habillée. »

« Quand les personnes se sentent coupables, on peut leur demander qu’est-ce qu’elles ont envie de faire maintenant avec cet événement ? conseille Laurie Laufer, psychanalyste. Comment transformer cette effraction pour qu’elle n’arrête pas l’histoire ? »

Proposer

Témoigner, c’est un premier pas, souvent libérateur. On peut proposer son oreille attentive, son épaule, mais aussi d’accompagner la personne au commissariat, aux urgences, à la pharmacie pour prendre la pilule du lendemain. « C’est à vous de sentir s’il faut présenter les différentes options : alerter la hiérarchie en cas de harcèlement sexuel, parler avec un psy, porter plainte », liste Pascale Molinier.

« Mais uniquement à condition que la victime soit d’accord, insiste Emmanuelle Piet. Il faut proposer et non imposer. » « Et jamais en faisant pression, avertit Gérard Lopez, de l’Institut de victimologie. Quand on a été agressé sexuellement, on a déjà vécu cette pression et cette répétition risque de crisper. Vous risquez de perdre la confiance de la personne qui a parlé. » Surtout si elle a déjà vécu ce moment de confidence raté.

« On peut soutenir, mais c’est bien d’orienter vers des associations, pour que ça soit un tiers extérieur qui sait comment porter plainte, qui a la connaissance du système judiciaire qui réponde », nuance la porte-parole de France Victimes.

Encore faut-il savoir à quelles associations s’adresser. Citons notamment le Collectif féministe contre le viol, l’AVFT en cas de harcèlement sexuel au travail, les 130 centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles, l’Association Internationale des Victimes de l'inceste, le 3919, numéro gratuit pour toutes les violences faites aux femmes, l’ Institut de victimologie à Paris.