Affaire Fiona: Pour Cécile Bourgeon et Berkane Makhlouf, la fillette «incroyablement intelligente» était devenue «gênante»
PROCES•Psychologues et psychiatres se sont succédé, mercredi, à la barre de la cour d’assises de la Haute-Loire où sont jugés Cécile Bourgeon et Berkane Makhlouf…Vincent Vantighem
L'essentiel
- Cécile Bourgeon et Berkane Makhlouf sont jugés en appel.
- Ils répondent des coups ayant entraîné la mort de Fiona, en 2013.
- Ils encourent une peine de 30 ans de réclusion criminelle.
- Le verdict est attendu samedi dans la soirée.
À la cour d’assises de la Haute-Loire, au Puy-en-Velay,
Yves Bissuel, 59 ans, est psychiatre et expert auprès des tribunaux. Il porte des vestes dans les tons marron et orange. Quand il lit, il chausse des lunettes équipées d’un mince cordon, signe qu’il ne doit jamais les égarer. Surtout, il connaît les sentiments humains sur le bout des doigts. Alors, quand il lâche, en serrant le poing, que « les enfants poussent parfois les adultes à bout et qu’il faut se retenir de… », il n’a pas besoin d’achever sa phrase pour que la cour d’assises de la Haute-Loire le comprenne.
Toute la cour d’assises à l’exception, peut-être, de Berkane Makhlouf et de Cécile Bourgeon qui ont assisté, mercredi, les yeux dans le vague, au défilé des psychologues et psychiatres censés lancer des pistes pour tenter de comprendre ce qui est arrivé à Fiona, en 2013. C’est Hélène Dubost, la psychologue, qui a ouvert le bal. « Fiona pouvait être encombrante. Elle était devenue gênante pour Berkane Makhlouf », lâche-t-elle à l’issue de son exposé.
Fiona, une fillette « intelligente » et « un peu espiègle »
Quand Hélène Dubost l’a examiné, l’accusé lui a avoué que la fillette « fouillait partout » et « venait tout le temps dans la chambre [des parents] ». Comme peuvent le faire les enfants de cinq ans… Mais surtout, Fiona était « incroyablement intelligente » et « un peu espiègle » aussi. Difficile à supporter quand on a soi-même eu une enfance difficile, coincé entre un père absent et alcoolique et une mère malade alternant les séjours en hôpital psychiatrique. « Il y avait peut-être un sentiment de jalousie vis-à-vis de sa propre enfance », admet la psychologue.
Pour Cécile Bourgeon, c’est un peu la même chose. Son enfance n’a pas été plus rose que celle de son ex-compagnon. C’est Martine Tetot-Prunet, une autre psychologue qui l’a racontée. Et qui en a tiré comme conclusion que « seules les grossesses lui redonnent un sentiment de confiance en elle ». Il faut combler le « vide narcissique ». Alors quand elle est enceinte de Fiona, Cécile Bourgeon prend 45 kg. Et quand elle attend Brahim*, en mai 2013, elle délaisse Fiona, envisage l’experte.
Berkane Makhlouf, « un corps d’homme avec un esprit de tout petit enfant »
Dans leur consommation de drogue comme dans leur immaturité, les deux accusés se ressemblent finalement beaucoup. Ils admettent par exemple tous les deux avoir entendu Fiona gémir la nuit précédant sa prétendue mort sans avoir pensé à se lever. Et les experts n’arrivent pas à les décoller l’un de l’autre. Ne parviennent pas à savoir qui est sous l’emprise de l’autre. Lequel des deux manipule. Lequel des deux ment. Si ce ne sont les deux…
Depuis le début du procès, ils ont martelé ne jamais avoir porté de coups à la fillette. Mais quel crédit accordé à Berkane Makhlouf considéré comme « un corps d’adulte avec un esprit d’un tout petit enfant » ? Et à Cécile Bourgeon que les experts appellent à surveiller en cas de « future maternité » ? Les jurés ont jusqu’à samedi pour le déterminer avant de rendre leur verdict. Les deux accusés encourent trente ans de réclusion criminelle.
* Le prénom a été changé
* Suivez le procès en direct sur le compte Twitter de notre journaliste : @vvantighem