Contractuels dans la fonction publique: «On se sert de nous comme des pions»
VOUS TÉMOIGNEZ•Alors que l’Etat pense à multiplier le recours aux contractuels dans la fonction publique, les internautes de «20 Minutes» concernés témoignent de leur quotidien…Adrien Briand
La France veut avoir davantage recours aux agents contractuels dans la fonction publique et elle veut le faire « largement ». C’est ce qu’ont annoncé Gérald Darmanin et Édouard Philippe à l’issue du premier comité interministériel sur la transformation du service public. L’objectif, à terme, est aussi de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires, comme l’avait annoncé Emmanuel Macron lors de sa campagne. Une intention que les agents contractuels qui ont témoigné de leurs conditions de travail pour 20 Minutes voient d’un mauvais œil.
« Je passe d’un temps complet à un mi-temps sans que cela ne dérange personne, commence Inès, contractuelle depuis 6 ans dans une mairie. On se sert de nous comme des pions. Je ne supporte plus ce système mais je n’ai pas le choix. » Selon elle, ses collègues titularisés « se mettent en arrêt pour rien. » Pire, elle raconte avoir été victime de « harcèlement moral » sans que sa hiérarchie ne soit inquiétée.
Camille, elle, qui a « travaillé plusieurs mois dans deux préfectures différentes », regrette que les contractuels et les vacataires « servent à faire ce que les collègues fonctionnaires ne souhaitent pas faire », comme le guichet, le contact avec le public « très difficile », le rangement ou le classement. « Je suis titulaire d’un master en droit public et je considère être capable de plus que ça et mériter une meilleure reconnaissance. »
« Je gagne 600 euros de moins que si j’étais titulaire »
À 50 ans, Sandrine est contractuelle aux cours municipaux pour adultes de la mairie de Paris et gagne « 700 euros mensuels pour 280 heures de travail par an ». Pour Élisa, employée de l’Éducation nationale en tant que professeur de collège, c’est 1427 euros net, soit « 600 euros mensuels de moins que si (elle) était titulaire ». Des inégalités qui font bondir Camille : « Il faut plus d’encadrement. En effet, à poste égal, dans mon cas, nous sommes payés au strict minimum, sans primes de précarité ou de guichet et les congés doivent être pris sinon ils sont perdus. Il y a aussi des inégalités de salaires entre les vacataires eux-mêmes. La préfecture a même "omis" de me faire un changement de salaire. Et je ne suis pas la seule dans ce cas. »
Et Maxime, adjoint de sécurité dans la police nationale, d’enfoncer le clou : « Je gagne 1270 euros par mois contre 1900 en moyenne. Nous sommes pour la plupart obligés d’avoir un deuxième emploi en attendant d’être gardien de la paix après un concours. »
« C’est un emploi précaire, sans évolution »
Si les salaires des agents contractuels sont en général inférieurs à ceux des fonctionnaires titularisés, il ne faut pas oublier non plus les perspectives d’évolution. Si Élisa, qui a enchaîné 5 CDD, raconte « avoir les mêmes conditions de travail que (ses) collègues titulaires, dont le droit aux formations et des indemnités », elle est incapable de se projeter : « Chaque été, j’ai la boule au ventre pour savoir si j’aurai un travail en septembre. Et si j’en ai un, quel sera-t-il ? Temps plein ou non ? J’aimerais bien être titulaire mais le concours n’est pas à ma portée. Et si par miracle je pouvais le réussir, je serais susceptible d’être envoyée dans une autre académie. Or, j’ai une famille et une maison… C’est compliqué. »
D’autres, comme Camille, ont encore moins de visibilité : « La durée de mes contrats va de 1 à 3 mois. Nous sommes souvent renouvelés une semaine avant leur fin. J’ai souhaité me diriger vers le privé mais je suis trop diplômée et les employeurs ont une mauvaise image des personnes qui sortent de la fonction publique. » Ce sont autant de raisons qui leur font craindre la prochaine réforme du gouvernement. Une « grande concertation » va ainsi être ouverte en février avec les syndicats afin d’en préciser les contours.