DETENTIONLes gardiens de prison face à une surpopulation carcérale chronique

Blocage des prisons: Quand la surpopulation carcérale «ne permet pas» aux gardiens «de travailler en toute sécurité»

DETENTIONEn 2017, selon les statistiques du ministère de la Justice, 28.000 surveillants ont dû gérer 69.714 personnes détenues, soit l'un des ratios le plus élévé de l'UE...
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Les syndicats ont lancé leur mouvement le 11 janvier après l’agression de trois surveillants par un détenu djihadiste à la prison de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais).
  • Ils demandent une revalorisation de leur métier et davantage de créations de postes pour faire face à la surpopulation carcérale.

C’est l’agression de surveillants, le 11 janvier dernier, à Vendin-le-Vieil, par un détenu djihadiste, qui a mis le feu aux poudres. Ce mardi, plusieurs dizaines de prisons sont encore bloquées par les gardiens, bien décidés à faire entendre leurs revendications par le gouvernement.

Selon leurs représentants syndicaux, ils réclament une revalorisation salariale, mais aussi davantage d’effectifs pour faire face à la surpopulation carcérale chronique sclérosant les prisons françaises.

« Les personnels sont fatigués et furieux »

« Dans de très nombreux établissements pénitentiaires, les personnels sont en sous-effectifs », explique à 20 Minutes Christopher Dorangeville, secrétaire national de la CGT-Pénitentiaire. Selon lui, la surpopulation carcérale « ne permet pas à nos collègues de travailler en toute sécurité ». Ces derniers jours, plusieurs gardiens ont en effet été victimes d'agressions. « Les personnels sont fatigués et furieux », poursuit-il, ajoutant que le mouvement « ne s’arrêtera pas si le gouvernement ne propose que des mesurettes ».

Samedi, la direction de l’administration pénitentiaire a formulé plusieurs propositions aux syndicats, notamment la création de 1.100 emplois supplémentaires sur quatre ans pour combler les postes vacants. Une mesure qu'ils ont jugé insuffisante. Christopher Dorangeville estime qu’il y a environ 1.500 postes vacants, sans compter « les départs en retraite ou les départs volontaires », qui sont « inscrits dans un processus logique de recrutement ».

28.000 surveillants ont dû gérer en 2017, selon les statistiques du ministère de la Justice, 69.714 personnes détenues. Soit 2,5 détenus par gardien. La RTBF, en mai 2016, avait comparé ce ratio pour plusieurs pays européens. Si la France arrivait devant l’Espagne (3,6 détenus par gardien) et le Royaume-Uni (3,8), elle était derrière le Luxembourg (2,2), l’Allemagne (1,8), la Belgique (1,7), les Pays-Bas (1,6) et l’Italie (1,5).

113,4 détenus pour 100 places

Ce taux s’explique par les « très grosses difficultés » de l’administration pénitentiaire à recruter « au regard du manque de reconnaissance de notre métier », se désole Christopher Dorangeville. Mais il faut aussi dire que la France est un des pays qui incarcère le plus. Selon une enquête annuelle publiée par le Conseil de l'Europe en mars 2017, la densité carcérale s’élevait en septembre 2015 à 113,4 détenus pour 100 places. Un taux proche de celui des prisons albanaises (119,6), moldaves (117) ou portugaises (113) mais loin de celui des Pays-Bas (76,9) ou de l’Allemagne (84,7).

Le rapport sur « les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale » des députés Dominique Raimbourg (PS, Loire-Atlantique) et Sébastien Huyghe (LR, Nord), publié en mars 2013, pointait déjà « la progression de la violence liée à la hausse de la densité carcérale ». Cette augmentation, écrivent les élus, oblige les surveillants « à une vigilance toujours renforcée, aux dépens de leurs autres missions ». « Ils sont contraints d’accomplir leur travail dans un cadre souvent hostile, et font l’objet d’insultes répétées, voire de violences, intimement liées au surpeuplement. »

Emmanuel Macron a bien promis la construction de 15.000 places de prison pour lutter contre la surpopulation carcérale. Une mesure redoutée notamment par Adeline Hazan, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. «Plus on crée de places, plus on incarcère», expliquait-elle recémment à La Croix. «En l’espace de 25 ans on a doublé le parc carcéral – passant de 30 000 à 60 000 places. Et, dans le même temps, on bat des records en termes de surpopulation.»

Développer les « alternatives à la détention provisoire »

Les députés, eux, préconisaient notamment, pour que cette surpopulation diminue, de « développer les alternatives aux poursuites pénales », de « développer les recours aux alternatives à la détention provisoire » et de « promouvoir les peines non privatives de liberté ».

La Farapej (Fédération des associations réflexion-action, prison et justice) a elle aussi produit, en janvier, un rapport «pour en finir vraiment avec la surpopulation carcérale », dans lequel elle formule une dizaine de propositions, dont certaines sont proches de celles des députés Raimbourg et Huyghe.

Christopher Dorangeville attend lui aussi de la Chancellerie « une politique pénale plus ambitieuse qui favorise les alternatives à l’incarcération et les aménagements de peine » afin que les gardiens puissent se concentrer « sur les détenus les plus difficiles ». Le gouvernement trouvera-t-il les solutions à ce problème qui dure depuis des années ? Les négociations qu’il a engagées avec les surveillants se poursuivront ce mardi. Plusieurs syndicats ont appelé à poursuivre les blocages des établissements pénitentiaires.