Produits contaminés: Que risquent vraiment Lactalis et les distributeurs?
SANTÉ•Les autorités ont annoncé ce jeudi un renforcement des contrôles alors que la plupart des enseignes de distribution ont reconnu avoir vendu des lots contaminés malgré leur obligation de retrait…Vincent Vantighem
L'essentiel
- Le gouvernement a ordonné le rappel de produits Lactalis contaminés.
- Les principaux distributeurs ont reconnu avoir vendu des lots malgré ce rappel.
- Ce jeudi, Bruno Le Maire a annoncé un renforcement des contrôles.
- Le parquet a d’ores et déjà ouvert une enquête visant Lactalis.
Après Bruno Le Maire, Emmanuel Macron a enfoncé le clou. Depuis Rome (Italie), le président de la République a assuré, ce jeudi, que « des sanctions » seraient « prises » s’il s’avérait que « des pratiques inacceptables » ont été commises dans l’affaire des produits contaminés Lactalis.
Plus d’un mois après la découverte de salmonelle dans la tour de séchage numéro 1 de l’usine Lactalis de Craon (Mayenne), la plupart des groupes de distribution français ont reconnu, cette semaine, avoir vendu des lots de laits contaminés malgré l’obligation de retrait dont ils faisaient l’objet.
Selon l'agence Santé publique France, l’ensemble des nourrissons victimes des salmonelles après avoir consommé du lait contaminé sont aujourd’hui hors de danger. Mais les enquêtes, elles, ne font que commencer. 20 Minutes fait le point sur les différentes procédures en cours…
- Lactalis est une « entreprise défaillante », dénonce Bruno Le Maire
Le regard de Bruno Le Maire s’est assombri, ce jeudi matin, au moment d’évoquer la responsabilité du groupe Lactalis. Rappelant que la contamination aux salmonelles sur la tour numéro 1 de l’usine de Craon datait, en réalité, de février 2017, le ministre de l’Économie a laissé entendre que les négociations avec le groupe laitier avaient été ardues pour parvenir finalement, en décembre, au retrait des lots problématiques.
Après une réunion avec le président du groupe laitier, il a indiqué avoir dû signer, lui-même, le 9 décembre l’arrêté demandant la suspension de la commercialisation des laits infantiles et le rappel de 600 lots, soit 11.000 tonnes de lait (7.000 tonnes destinées au marché français, le reste pour l’export).
« L’état s’est (…) substitué à une entreprise défaillante dont je rappelle qu’elle est la seule responsable de la qualité et de la sécurité des produits mis sur le marché », a-t-il dénoncé. Lactalis n’a pas encore répondu à ces accusations mais a annoncé la tenue d’une conférence de presse, ce jeudi, à 17h.
- Une enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris
La justice n’a pas attendu les prises de position politiques pour agir. Le 22 décembre, le pôle santé publique du parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour des faits de « blessures involontaires », de « mise en danger de la vie d’autrui », de « tromperie aggravée » et « d’inexécution d’une procédure de retrait ou de rappel d’un produit (…) au contenant préjudiciable à la santé ».
Cette enquête a été confiée à la section de recherches de la gendarmerie d’Angers (Maine-et-Loire) et à l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP). Contacté par 20 Minutes ce jeudi, le parquet de Paris se refuse pour le moment « à tout commentaire » au sujet de cette enquête, « les investigations étant toujours en cours ».
- Les distributeurs s’exposent à des sanctions pénales
Après le fabricant de lait, ce sont les grandes enseignes de distribution qui se sont retrouvées, cette semaine, dans l’œil du cyclone de ce scandale sanitaire. Leclerc, Carrefour, Auchan, Système U, Casino… Tous ces distributeurs ont reconnu avoir vendu des laits contaminés malgré le rappel. « Un bug inadmissible », selon Michel-Edouard Leclerc. Des lots contaminés ont également été découverts dans des crèches, des hôpitaux et des pharmacies.
En réaction, Bruno Le Maire a indiqué, ce jeudi, avoir demandé à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de procéder « dès la semaine prochaine » à 2.500 nouveaux contrôles dans les points de vente en plus des 2.500 déjà effectués. Et le ministre a déjà prévenu : si des défaillances sont constatées, des procès-verbaux seront immédiatement dressés et « transmis à la justice ».
Contacté par 20 Minutes, Pierre-Yves Rossignol, avocat associé au cabinet Granrut, explique que les distributeurs concernés s’exposent à des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende (article L532-3 du Code de la Consommation) pour ne pas avoir exécuté les mesures de retrait.
- Les premières plaintes de familles concernées ont été déposées
Selon nos informations, trois plaintes ont pour l’instant été enregistrées par le pôle santé publique de Paris. Les deux premières ont été déposées par des familles dont l’enfant a été malade après avoir consommé du lait contaminé aux salmonelles. La dernière a été déposée par l’association UFC – Que Choisir.
« Pour l’instant, ce sont les trois plaintes qui sont remontées jusqu’au pôle santé publique, indique une source judiciaire. D’autres plaintes ont peut-être été déposées dans des tribunaux en province sans avoir eu le temps de remonter jusqu’à Paris. »
Surtout, d’autres plaintes pourraient suivre. Interrogée par 20 Minutes mercredi à Toulouse (Haute-Garonne), Ségolène, maman d’un petit Noan touché par la salmonellose, a ainsi confié son intention de déposer plainte à son tour.