Innovations numériques à l'école: «Moi je préfère les Twictées aux dictées normales»
REPORTAGE•Alors qu’un colloque sur les projets innovants qui transforment la pédagogie par le numérique démarre ce mercredi, « 20 Minutes » a assisté à une séance de « Twictée » pour apprendre l’orthographe…Delphine Bancaud
L'essentiel
- 20 Minutes s'est immergé dans une école qui pratique la « Twictée ».
- Dans le cadre du projet E-Fran, des chercheurs évaluent l'impact de cette pratique sur les apprentissages des élèves.
- A première vue, les élèves semblent très motivés par l'exercice et participent avec entrain.
Ce mardi, il règne une certaine effervescence dans la classe de CM2 du Groupe scolaire Pierre et Marie Curie de Roissy-en-Brie (Seine-et-Marne). Car le programme de l’après-midi enthousiasme les élèves. Et pour cause : ils participent à une séance de TAO (Twictée pour apprendre l’orthographe). But de ce dispositif : des groupes d’écoliers écrivent des courtes phrases dictées, les envoient aux élèves d’un autre établissement qui les corrigent en argumentant leurs réponses, avant de les tweeter. Et réciproquement.
Yannick Choulet, leur enseignant, utilise cet exercice depuis 2015. Mais la nouveauté, c’est qu’à partir de ce mois-ci et pendant trois ans, ce dispositif innovant va être évalué par une équipe de chercheurs dans le cadre du projet E-Fran afin d’en tester l’efficacité pédagogique. D’autres initiatives du même type seront mises à l’honneur lors d’un colloque sur l’innovation numérique à l’Ecole qui démarre ce mercredi et qui rassemblera des enseignants et des chercheurs impliqués dans ces projets.
Un travail collaboratif et ludique
Et justement, ce mardi, Thierry Pagnier, maître de conférences à l’ESPE de Créteil, est présent à l’école pour scruter les faits et gestes des 28 élèves de CM2. La séance du jour consiste à corriger les fautes d’élèves d’une école de Melun et de leur renvoyer des « Twoutils », c’est-à-dire des explications pour qu’ils comprennent leurs erreurs et mémorisent la règle orthographique ad hoc. Les élèves sont dispatchés en petits groupes et Yannick Choulet leur distribue une feuille contenant la dictée d’un groupe d’élèves de Melun. Ni une, ni deux, les groupes d’élèves se déplacent dans la classe et même en dehors, afin de trouver un coin tranquille pour travailler. On pourrait croire à un joyeux fouillis, mais il n’en n’est rien car l’ambiance est studieuse.
Tania décide de corriger un « il reçoie », alors qu’Antoine rectifie un « voeue » et que Zakaria s’attaque à un « phisique ». Très concentrés, ils discutent entre eux pour trouver la bonne orthographe de chaque mot et le « Twoutil » qui l’accompagnera. « Les faire travailler ensemble est d’ailleurs un des intérêts de l’exercice. Ça crée une dynamique de classe », commente Yannick Choulet, qui circule entre les groupes pour épauler ceux qui en ont besoin. Une fois leurs corrections élaborées, chaque groupe les fait relire à l’enseignant. « C’est excellent, tu peux prendre la tablette », dit Yannick Choulet à Laura. L’élève tweete alors sa correction qu’elle envoie à l’école de Melun.
« J’aime bien les Twictées, car on aide les autres élèves »
C’est au tour de Zakaria de faire valider son projet de réponse au prof : « Un tweet c’est 140 signes, tu m’en as fait le triple », lance Yannick Choulet à son élève. Mais ceux qui doivent reprendre leur copie le font de bonne grâce. « J’aime bien les Twictées, car on aide les autres élèves », commente Burhanuddin. « Moi je préfère les Twictées aux dictées normales car j’aime bien travailler en groupe », ajoute Aline. « Mais c’est moins amusant quand les élèves de l’autre école corrigent nos fautes. C’est la honte », tempère Kylian. « Moi ça ne me dérange pas, car les autres nous font progresser », lui rétorque Lina.
« Les Twictées les motivent. Cet exercice développe leur autonomie et leur montre qu’ils ont droit à l’erreur, puisque chacun fait des fautes. Le fait de corriger celles des autres est valorisant et les aide à retenir certaines règles », estime Yannick Choulet. Reste à confirmer scientifiquement si ce dispositif est efficace pédagogiquement.
Ce que permettra son évaluation par Thierry Pagnier dans le cadre du projet E-Fran : « Cela va permettre de savoir dans quelles conditions la "Twictée" permet aux élèves de progresser. Et nous allons aussi analyser comment les pratiques des enseignants twicronautes favorisent leur développement professionnel », ajoute-t-il. De quoi satisfaire Jean-Michel Blanquer qui ne cesse de répéter qu’il veut développer une « culture de l’évaluation ».