INTERVIEW« Le blackface est encore perçu comme un acte humoristique »

Nord : « Le blackface est encore perçu comme un acte humoristique », selon un spécialiste

INTERVIEWUn étudiant danois a travaillé sur la représentation du blackface par un groupe de carnavaleux dunkerquois avant que la polémique n'éclate...
Un déguisement en noir du carnaval.
Un déguisement en noir du carnaval.  - S. Alcalay / SIPA
Gilles Durand

Propos recueillis par Gilles Durand

L'essentiel

  • Une polémique est née autour d’un bal du carnaval de Dunkerque baptisé La Nuit des « Noirs »
  • Un étudiant danois avait interviewé, l’an dernier, le responsable des « Noirs » sur le thème du blackface.
  • Il explique pourquoi la perception de ce travestissement est différente en France.

Depuis deux jours, la polémique enfle autour d’un bal organisé pour le carnaval de Dunkerque et baptisé La Nuit des « Noirs », à travers la problématique du blackface qui consiste à se grimer en noir. Peter Wiisbye est un étudiant danois qui a étudié ce thème à travers notamment le carnaval de Dunkerque, l’an dernier. Une étude prémonitoire.

Pourquoi un tel intérêt pour le carnaval de Dunkerque ?

J’ai vécu trois ans en Afrique du sud où j’ai assisté à beaucoup de débats sur les représentations postcoloniales problématiques et l’utilisation du blackface. Je me suis aperçu que beaucoup de gens dans le monde considèrent que se grimer en noir est offensant. A mon retour au Danemark, j’ai découvert le carnaval de Dunkerque et le groupe de « Noirs » qui utilisait le blackface.

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Ça vous a surpris ?

Etant donné l’histoire coloniale douloureuse de la France, je me suis demandé comment cette tradition problématique avait pu perdurer. Y a-t-il un manque de formation à l’école sur l’histoire coloniale ? Je souhaitais savoir ce qu’il y avait derrière cet usage du blackface par ce groupe. Aucun des articles que j’avais lus ne posait le problème.

Vous avez rencontré le chef des « Noirs »…

Je l’ai interviewé. Il n’évoque jamais les colonies, ni l’histoire esclavagiste du pays. Quand je lui ai posé la question, il m’a expliqué que pour les Français, la période coloniale représentait un chapitre clos et que la page était tournée.

Peut-être que les références au blackface sont différentes en France ?

Le blackface est une tradition américaine très populaire qui remonte au XIXe siècle. Il s’agissait de tourner en ridicule les noirs. Aujourd’hui, l’image d’une personne grimée en noir évoque une histoire douloureuse pour beaucoup d’Américains. Le blackface est considéré comme un acte inutile de provocation et de racisme. En France, c’est différent même si, dès le XVIIIe siècle, il y a eu beaucoup de spectacles avec des personnages noirs caricaturaux.

Pourquoi cette polémique arrive-t-elle aujourd’hui ?

La tradition de travestissement en blackface continue à être perçue comme un acte humoristique, sans questionnement sur le passé. Je pense que la polémique couve depuis longtemps, mais elle prend de l’ampleur seulement maintenant. Peut-être le signe d’un changement dans la conscience collective ?

Qu’en pensez-vous ?

La controverse n’est due au fait de se grimer en noir, mais au contexte historique qui est en arrière-plan. Le refus du débat en France vient peut-être aussi de la méconnaissance de l’histoire de ces pays africains qui continuent à être influencés par les anciens systèmes coloniaux. C’est un problème d’éducation civique.