Christian Picciolini, ancien skinhead néonazi, au secours des radicalisés
REPENTI•Après huit années passées dans un groupe de skinhead néonazis, il cherche la rédemption...Emilie Petit
L'essentiel
- Christian Picciolini a fait partie d’un groupe de skinhead néonazis américains pendant huit ans.
- Il tente d’aider, depuis vingt-deux ans, de jeunes radicalisés à s’en sortir.
- Il sort, ce 26 décembre, un livre retraçant sa jeunesse parmi des suprémacistes blancs aux Etats-Unis, intitulé White American Youth.
La première fois qu’on le voit, il a l’air plutôt tranquille, Christian Picciolini. Visage rond, barbe de trois jours, cheveux ras, bonhomie souriante. Difficile, comme ça, d’imaginer qu’à l’âge de 14 ans, il faisait partie de l’un des plus importants groupes de skinhead néonazis des Etats-Unis. « Pourtant, je n’ai pas été élevé dans un environnement raciste », assure-t-il. Il en a fait un livre. White American Youth sort ce 26 décembre.
1987. Quand on a 14 ans à Chicago, on s’ennuie ferme. Pas grand-chose à faire à part traîner sa misère. Solitaire, en colère contre la terre entière, Christian Picciolini se perd. Déphasé, coincé entre deux cultures [celle de ses parents, immigrés italiens, travailleurs souvent absents du foyer, et celle qui leur a ouvert les bras] il choisit donc… de ne pas choisir. Et bascule.
Toujours plus bas, plus loin, plus violent
« Je n’avais pas vraiment d’amis, et j’en souffrais beaucoup », se souvient-il. Alors, un jour comme les autres, tandis qu’il erre sans but, encore et toujours, dans les rues de sa ville, il fait une rencontre. De celles qui peuvent vous retourner tout, à l’intérieur. « Un homme m’a abordé. Nous avons commencé à discuter. Puis il m’a dit qu’il connaissait un endroit où je serais accepté tel que je suis. Où je pourrais faire partie de quelque chose. Une raison d’être », raconte-t-il. Ce que cet homme lui offre, c’est surtout un pass VIP pour l'un des plus grands groupuscules d'Amérique, au cœur de la culture raciste et négationniste des suprémacistes blancs.
Commence alors l’escalade. Christian Picciolini accepte docilement de plonger dans cette vague de haine qui submerge le groupe, le lie et le soude jusqu’à l’extrême. Elle fait désormais partie de son ADN. On lui dit que la race blanche prédomine n’importe quelle autre communauté. Et, se dit-il, pourquoi pas, finalement ? « Je suis resté car l’appartenance à un groupe était pour moi plus importante que toute autre chose. Je suis donc passé très vite de la parole aux actes. J’ai accepté de faire certaines choses car c’était la condition sine qua non à mon acceptation par le groupe. Et je n’aurais pas supporté de perdre ça ».
Life after hate, le temps de l’absolution
Huit ans plus tard, en 1995, il prend finalement la porte. La claque même violemment. Il n’y a pas d’autre moyen de dialoguer, de toute façon. Plus de colère et de haine. Plus de peur non plus. Christian Picciolini a grandi. Confus, il n’arrive plus à justifier les coups de sang et les excès de violence. Noirs, Juif, homosexuels… Il part rencontrer ces « monstres » qui ne méritaient que ses coups. « J’ai plusieurs fois songé à partir. J’avais de l’empathie pour ceux que j’étais censé haïr. En allant à leur rencontre, je me suis rendu compte que je n’avais jamais adhéré à toute cette idéologie raciste. »
Depuis vingt-deux ans maintenant, et malgré des menaces de mort régulières de la part de son ancien clan, Christian Picciolini essaye d’aider ceux qui, comme lui, ont été trop fragiles. Trop jeunes et trop seuls pour lutter contre une pensée qui n’était pas la leur. Les radicalisés, djihadistes ou fanatiques d'extrême-droite. Il a fondé Life After Hate avec d’autres néo-nazis repentis.
Le drame de la solitude
Son approche ? « L’idée n’est pas de lancer des débats. Je n’essaye pas d’argumenter. Je préfère les écouter. C’est comme ça que je peux savoir comment ils sont tombés là-dedans. » Et souvent, la même histoire refait surface. Le même drame. Pour la plupart, ils sont rongés par ce même mal qui a fait basculer Christian Picciolini : la solitude. Alors, comme les alcooliques anonymes, ces extrémistes se retrouvent autour d’une table pour parler de leur addiction. Et pour tenter, coûte que coûte, de s’en sortir.
Klu Klux Klan (KKK), néo-nazis, Alt right,… Aux Etats-Unis, plus de 900 groupuscules d’extrême droite ont été comptabilisés en 2017. Une partie a soutenu Trump lors de l’élection présidentielle. Selon New America, un think-thank américain, sur 44 attentats perpétrés depuis 2001, 11 attaques ont été revendiquées par des islamistes tandis que 33 autres ont été lancées par des fanatiques d’extrême droite.