Violences en milieu hospitalier: Une journée d'échange pour améliorer la sécurité à l'hôpital
SECURITE•Ce jeudi, le Club des directeurs et conseillers sûreté des établissements hospitaliers organise la première journée d’échange au CHU de Nîmes pour mener une réflexion sur l’amélioration de la sécurité à l’hôpital…Anissa Boumediene
L'essentiel
- La première journée d’échange du Club des directeurs et conseillers sûreté des établissements hospitaliers a lieu ce jeudi au CHU de Nîmes.
- L’événement a vocation à lancer une réflexion globale sur l’amélioration de la sécurité dans les hôpitaux, où les violences sont quotidiennes.
Hôpital au bord de la crise de nerfs. Incivilités, agressions verbales et physiques : au sein des établissements hospitaliers, les violences à l’encontre des personnels soignants sont quotidiennes. Le plus souvent de la part de patients sous l’emprise de substances ou souffrant de troubles psychiatriques, ou de proches à cran.
Selon le rapport 2017 de l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS), en 2016, 360 établissements (soit 6,23 % des établissements) ont déclaré 17.596 signalements d’atteintes aux personnes et aux biens, dont 14.508 atteintes aux personnes. Une violence quotidienne à laquelle s’ajoute la menace terroriste, et qui laisse bien souvent les personnels concernés démunis, dans un environnement de travail électrique et angoissant. C’est pour réfléchir à ces problématiques de sécurité que se déroule ce jeudi la première journée d’échange du Club des directeurs et conseillers sûreté des établissements hospitaliers (CDSE). L’association, qui rassemble des entreprises privées et publiques, mènera une réflexion sur le principe de sécurité globale à l’hôpital. L’Assistance publique
hôpitaux de Paris (AP-HP), l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) ou encore les Hospices civils de Lyon (HCL) seront représentés. Comment améliorer la sécurité dans les établissements hospitaliers ? Qu’en pensent les personnels concernés ? Est-il possible d’y parvenir sans mettre la main au porte-monnaie ?
Favoriser la formation des personnels hospitaliers à la gestion des violences
Qu’ils ou elles soient médecins, infirmières ou aides-soignantes, par définition, les personnels soignants sont là pour soigner. Pas évident pour eux de faire face à des situations de violences sur leur lieu de travail, à l’hôpital, puisqu’ils ne sont pas formés pour. « Nous avons régulièrement parmi l’équipe des victimes d’agressions physiques, liées principalement aux pathologies des patients, raconte Marc, infirmier dans un service d’urgences psychiatriques des Yvelines. Notre protocole "anti-agression" fait appel aux brancardiers, mais ce dispositif est insuffisant en cas de menace importante : ils ne sont pas des agents de sécurité ». Même constat amer pour Kevin « Aucune formation ne nous est proposée », abonde cet infirmier dans un hôpital psychiatrique en Bourgogne, qui déclare avoir été blessé à l’arme blanche par un détenu. « Plusieurs cas d’agression sont à déplorer chaque année, mais personne de qualifié n’est là pour gérer les cas de violences et aucune formation ne nous est proposée », témoigne le jeune homme, qui ne se sent pas en sécurité au travail.
Si tous les hôpitaux ont un service de sécurité, tous ne sont pas dotés des mêmes moyens. « Dans 7 cas sur 10, les agressions sont le fait de patients sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants, ou souffrants de problèmes psy : il faut avoir reçu une formation pour y faire face », explique Thierry Gaussen, chef du service sûreté du CHU de Nîmes et cofondateur du CDSE. C’est même une obligation puisque les agences régionales de santé (ARS) demandent aux hôpitaux de former leurs personnels à la gestion des violences. « On peut aussi apprendre aux personnels soignants à gérer les violences verbales avant qu’elles ne risquent de devenir physiques », poursuit Thierry Gaussen. Le CDSE, dont l’objectif aujourd’hui est de réfléchir à des solutions concrètes, « essaie au travers de ces échanges, d’élaborer le meilleur plan de prévention des violences possible, ajoute Thierry Gaussen. La formation, même à moindre coût, est possible au sein des hôpitaux ayant peu de moyens ».
Manque de moyens et de personnels
Car le nerf de la guerre reste l’argent, qui commande les moyens logistiques et humains. Le chef du service sûreté du CHU de Nîmes le concède, « on ne peut pas tout miser sur des caméras et des systèmes de télésurveillance, il faut de la ressource humaine et cela demande des moyens supplémentaires, le contexte national d’augmentations des violences quotidiennes à l’hôpital et de menace terroriste l’exige ». Mais au-delà du manque de moyens concernant directement la sécurité, le manque de personnels soignants est à lui seul une source de violence.
« Il y avait moins de violences quand j’ai commencé à travailler il y a dix ans, mais nous avions plus de personnels, se souvient Ornella, infirmière en gériatrie dans un CHU. Quand vous avez deux infirmières et trois aides soignantes pour assurer la charge de trente patients grabataires, c’est impossible. On ne peut pas répondre à leurs demandes parce qu’ on a déjà des difficultés à assurer les soins de base. Ajoutez à cela le défaut de communication entre médecins et équipes : on ne peut pas répondre aux attentes des patients et de leurs familles, ce qui entraîne des violences, détaille l’infirmière. Il y a également les états pathologiques qui entraînent des violences, nous n’avons pas forcément les moyens pour les gérer. Il faudrait plus de personnels pour avoir le temps de réaliser les soins, d’accompagner les patients et leurs familles, ce qui déjà réduirait grandement les violences en tout genre ».
Un constat largement partagé par Christophe Prudhomme, porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF). « Fermer toujours plus de lits, réduire le personnel et installer des caméras : la politique appliquée à l’hôpital ces dernières années entraîne la dégradation des services publics hospitaliers et c’est ça qui génère un climat d’agressivité. Pour y remédier, il faut plus de moyens humains. Les premières violences hospitalières, c’est dire à une aide-soignante qu’elle a sept minutes pour faire la toilette d’une personne âgée dépendante, et aux soignants qu’ils sont des fonctionnaires feignants, condamne le médecin. Quand il y aura suffisamment de personnels pour maîtriser un patient psychiatrique qui pose problème, des agents formés en nombre suffisant pour accueillir les patients aux urgences et répondre aux questions de leurs proches, et qu’il y aura assez d’agents de sécurité hospitaliers, et non des vigiles non formés de sociétés prestataires, il y aura beaucoup moins de violences », estime Christophe Prudhomme.
Réorganiser l’accueil des patients et accompagner les personnels
Pour les services d’urgences, en première ligne des violences hospitalières, l’AMUF préconise par ailleurs une réorganisation de l’accueil des patients. « Nous demandons depuis une quinzaine d’années des locaux adaptés et la mise en place de circuits spécifiques et indépendants au sein des urgences : un circuit pour les patients qui arrivent debout, un autre pour ceux qui arrivent couchés et un autre, doté de locaux sécurisés et surveillés, pour les patients dangereux, qui arrivent alcoolisés, drogués, ou qui sont amenés par la police, prescrit Christophe Prudhomme. Cela éviterait un grand nombre d’incidents ». Une mesure qui nécessite des moyens que les pouvoirs publics n’envisagent pas pour l’heure de débloquer.
Alors, pour les personnels hospitaliers victimes d’agressions, Thierry Gaussen, du CSDE, propose une mesure d’accompagnement « qui ne coûte rien mais qui peut leur permettre de retrouver une certaine quiétude ». « L’agression ne fait pas partie des risques du métier, assène-t-il. Donc, en cas de violences, il faut faciliter le dépôt de plainte des soignants, au moyen de conventions hôpital-police-justice. Des mesures simples permettent d’anonymiser le dépôt de plainte, d’offrir un accompagnement humain aux victimes ».