Etude Pirls: Comment faire en sorte que les enfants comprennent mieux ce qu'ils lisent?
EDUCATION•Selon l'étude Pirls dévoilée ce mardi, les écoliers français scolarisés en CM1 se classent en 34e position sur 50 en compréhension de la lecture...Delphine Bancaud
L'essentiel
- Les élèves ont du mal à repérer les informations les plus importantes d’un texte et à les relier pour en comprendre le sens.
- Il paraît urgent d’améliorer la formation des enseignants dans l’enseignement de la lecture.
- Certaines pratiques pédagogiques en classe ont prouvé leur efficacité pour aider les élèves à mieux comprendre ce qu’ils lisent. Elles seront développées.
«Des résultats préoccupants ». C’est ainsi que le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, a qualifié ce mardi les scores obtenus par les élèves français en lecture après la publication de l’étude Pirls (Progress in International Reading Literacy Study), réalisée en 2016 dans 50 pays. Celle-ci classe les écoliers français, scolarisés en CM1, 34e sur 50 en compréhension en lecture, avec 511 points. La France est très loin derrière le peloton de tête emmené par la Russie, Singapour et Hong-Kong. L’étude Pisa en 2016, avait elle aussi souligné que 19 % des élèves de 15 ans étaient en grande difficulté de compréhension de l’écrit.
Un problème que décrypte Sylvie Cèbe, maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand : « Les élèves français n’ont pas de problème en ce qui concerne la compréhension littérale, c’est-à-dire les éléments qui sont désignés explicitement dans un texte, comme par exemple :"la petite fille porte une robe rouge" », explique-t-elle. La où le bat blesse, c’est en matière de compréhension référentielle, selon la chercheuse : « C’est-à-dire lorsqu’il faut déduire des informations, comprendre l’implicite ou réunir des éléments éparpillés dans un texte pour en saisir le sens global. Par exemple dans la phrase : "il regarde par la fenêtre et prend son parapluie", l’élève doit en déduire qu’il pleut. Et beaucoup d’écoliers français n’y arrivent pas », constate-t-elle.
Les racines du mal selon le ministre
Jean-Michel Blanquer a avancé des explications quant aux soucis de compréhension des écoliers français. Pour lui, si certains enfants pêchent à saisir le sens d’un texte, c’est parce qu’ils ne décodent pas suffisamment bien les mots : « or, plus on a une lecture fluide, plus on comprend les textes », a-t-il déclaré ce mardi. Un avis partagé par Jean-Émile Gombert, professeur émérite en psychologie cognitive des apprentissages : « si l’élève n’est pas habile dans la reconnaissance des mots, cela va constituer un obstacle à la compréhension », renchérit-il.
D’après le ministre, le manque de vocabulaire de certains élèves est aussi en cause : « le fait d’avoir un lexique large va conditionner la qualité de la compréhension », a-t-il indiqué. « Au CP, les élèves issus de milieux favorisés ont 1.000 mots de plus que les autres. Cela a forcément un impact direct sur la compréhension de l’écrit », souligne aussi Jean-Émile Gombert. Mais selon lui, il existe aussi encore une autre raison pouvant expliquer les faibles performances des élèves dans ce domaine : « Plusieurs études montrent qu’en France, on travaille moins la compréhension en classe que dans d’autres pays de l’OCDE ».
Booster la formation des profs, une priorité
Des constats qui amènent à s’interroger sur les mesures qui pourraient accroître la capacité des écoliers français à mieux saisir ce qu’ils lisent. Le premier impératif selon Jean-Émile Gombert, serait d’améliorer la formation initiale et continue des enseignants : « Il existe des formations sur la didactique de l’écrit dans certains ESPE (Ecole supérieure du professorat et de l’éducation), mais il faudrait les systématiser », estime-t-il. Conscient de cela, Jean-Michel Blanquer a d’ailleurs promis ce mardi un plan de formation en lecture pour les professeurs des écoles (soit 9 heures de formation sur ce thème par an pour chacun d’eux). Une réponse insuffisante pour Stéphane Crochet, secrétaire général du Se-Unsa : « il faudrait un grand plan de formation initiale et continue ambitieux et inscrit dans la durée. Avec les neuf heures annuelles prévues par le ministre, nous sommes très loin du compte », estime-t-il.
Mieux formés, les enseignants pourraient enrichir leurs pratiques pédagogiques en classe. Et c’est en maternelle qu’il faudrait d’abord commencer, selon Jean-Émile Gombert : « Il faut développer le vocabulaire des jeunes enfants en accordant une attention particulière à ceux qui sont issus des milieux les plus défavorisés. Les maîtres d’école doivent redoubler d’efforts pour utiliser un langage riche, expliquer le sens des mots et inciter les élèves à utiliser des nouveaux termes », insiste-t-il. Le ministre de l’Education a d’ailleurs annoncé ce mardi la tenue d’une « grande conférence » en mars sur l’école maternelle, lors de laquelle cet objectif devrait être évoqué. « L’école maternelle doit être l’école du langage », a-t-il martelé.
Résumer un texte à l’oral pour en conforter la compréhension
Pour Sylvie Cèbe, les enseignants de maternelle comme d’élémentaire, doivent aussi mieux inculquer à leurs élèves des stratégies efficaces pour comprendre un texte : « il faut davantage inciter les élèves à résumer à l’oral un texte qu’ils ont lu, afin de leur apprendre à en extraire les idées principales, à les reformuler et à lire entre les lignes pour chercher ce que l’auteur ne dit pas explicitement, mais implicitement. Et ce afin de créer chez eux des automatismes de lecture. Il faut aussi les familiariser avec les anaphores afin qu’ils ne constituent pas un obstacle à la compréhension », recommande la chercheuse.
Et pour que ce travail sur la compréhension soit plus efficace, Jean-Émile Gombert estime qu’il faut favoriser les petits groupes : « Les Finlandais qui ont d’excellents résultats dans ce domaine, travaillent en groupes restreints », souligne-t-il. La réduction des CP à 12 élèves en REP mise en place depuis la rentrée va d’ailleurs dans ce sens.
Pour aller plus loin, Jean-Michel Blanquer a indiqué ce mardi qu’il allait demander que les activités pédagogiques complémentaires en primaire (temps d’accompagnement personnalisé des élèves) soient désormais consacrées à l’amélioration des capacités de compréhension de l’écrit. De même, l’accompagnement personnalisé des collégiens sera désormais entièrement dévolu à la compréhension en lecture. Les résultats de la prochaine étude Pirls dans cinq ans, montreront si les mesures prises par le ministre ont porté leurs fruits…