VIDEO. Transgenres: Le monde du travail est-il aujourd'hui moins discriminant?
IDENTITE•A l'occasion d'une soirée de débats sur France 2 sur la transidentité, «20 Minutes» s'est interrogé sur les discriminations au sein du monde du travail...Oihana Gabriel
L'essentiel
- A l'occasion de la soirée de débats sur la transidentité en partenariat avec France 2, 20 Minutes propose un dossier sur ce sujet de société.
- Alors que la visibilité des transgenres s'impose, ces personnes sont-elles toujours victimes de discrimination à l'embauche et au cours de leur carrière?
Ils et elles travaillent en tant qu’enseignante, journaliste, médecin, baby-sitter… Et beaucoup ont effectué leur transition au cours de leur carrière… sans se retrouver à la porte. Est-ce le signe qu’avec une visibilité croissante dans la société, les transgenres se font une place dans le monde du travail ? Zoom sur la question de leur insertion professionnelle à l’occasion de la soirée de débat sur la transidentité sur France 2 en partenariat avec 20 Minutes*.
Des ratés, mais pas de malveillance
Rachel, 28 ans, a progressivement modifié sa garde-robe depuis qu’elle travaille en tant que journaliste. « Je change régulièrement d’agence et j’en ai fait un avantage, à chaque fois, je vais plus loin dans le changement physique. » En quelques mois, chefs et collègues ont accepté Rachel sans moquerie.
Comment gérer les interrogations ? « Ma politique, c’est de pas l’annoncer, mais si on m’interroge, je réponds. Et j’ai trouvé de bonnes alliées qui répondaient aux questions des collègues. Il y a eu quelques quiproquos, un « il » qui revient, mais jamais de remarques volontairement blessantes. Mais je ne peux pas faire de généralité, je fais peut-être partie d’une minorité chanceuse », nuance Rachel.
Léo, 21 ans, a eu moins de chance. Il a vu son contrat de deux mois s’interrompre au bout d’une semaine… « Le gérant d’une buvette m’avait engagé, il connaissait mon père, qui m’a présenté comme sa fille, résume-t-il. Quand j’ai demandé à être appelé Léo, ça a mis un froid. »
Des freins encore d’actualité
Un cas personnel qui rappelle les discriminations dont sont encore victimes les transgenres. Une étude de l’agence des droits fondamentaux de l’Union européenne en 2014 dévoilait que 54 % des personnes trans ont été victimes de harcèlement et de discrimination au travail. Une enquête, menée en 2015 sur la transphobie en France montrait que 17,5 % des transgenres étaient au chômage et 19,5 % au RSA. « Les chiffres sont massifs, mais pas assommants, analyse le sociologue Arnaud Alessandrin, co-auteur de cette étude et de Transyclopédie. Ils prouvent un certain éloignement du monde du travail. »
Ces barrages sont aussi doublés d’une autocensure : 46 % des personnes trans ont eu peur de la transphobie au travail et donc n’ont pas postulé à un emploi. « On observe des discriminations et des difficultés surtout pour trouver un travail », renchérit Camille, directrice-fondatrice de l’association Prévention Action Santé Travail pour les Transgenres (PASTT) et médecin.
Si depuis 2012,la loi française interdit de licencier ou de refuser un poste à une personne au motif qu’elle est trans, la discrimination peut parfois prendre des formes détournées. Car un employeur peut ne jamais rappeler un candidat sans donner de raison précise…
Une amélioration en 2017
« On cache, mais les papiers dénoncent », résume Camille, fondatrice de l’association PASTT. Car le principal problème se concentre pendant la transition, quand l’apparence ne colle pas avec la carte d’identité. Ce qui peut susciter incompréhension et rejet de la part des employeurs et des collègues. Selon un rapport du Défenseur des droits, le changement de la mention du sexe à l’état civil, nécessaire pour obtenir la modification de ses pièces d’identité, « est une procédure ardue et très longue » et prend sept ans en moyenne.
Un laps de temps qui devrait se réduire avec les avancées récentes. Depuis février, on peut changer de prénom gratuitement en mairie. Et surtout, la modifiction de genre à l’état civil peut se faire sans certificat médical, donc sans opération. Même si elle doit s’effectuer devant un juge et avec des preuves.
Cela va-t-il permette une meilleure insertion professionnelle des personnes trans ? Possible. Mais il y a trop peu de recul pour le vérifier. « Tous les trans ne sont pas discriminés, on peut faire l’hypothèse qu’ils et elles le sont de moins en moins, mais l’insertion dans le monde professionnel reste un sujet de société », résume Arnaud Alessandrin.
Sur le papier en tout cas, les trans ont aujourd’hui de nouvelles facilités. Ce qui n’empêche pas quelques ratés… Till, un homme trans de 22 ans, a fait sa demande de changement de prénom en juin. Sans succès. « Pourtant, les personnes trans obtiennent le changement de prénom entre deux semaines et deux mois, souligne Till. Mais cette mairie ne s’intéresse pas à mon cas, quand je les appelle, j’ai l’impression qu’ils ont oublié. Il y a quelques semaines lors d’un entretien d’embauche, ma seule inquiétude, c’était qu’on me demande mes papiers. Pour le coup, ça s’est bien passé, ils voulaient juste savoir quel prénom écrire. »
Faire sa transition plus tôt
Autre évolution positive, « les jeunes ont conscience plus tôt dans leur vie de la possibilité d’être eux-mêmes, assure Ioanna, 68 ans, une ancienne militante de la cause trans. Aujourd’hui, des bloqueurs de puberté et la prise d’hormones évitent l’horreur de voir un duvet pousser quand tu sais que tu es une nana ou des seins quand tu es un mec… » Une transition plus précoce peut donc être un atout professionnel. Pour se présenter dès l’embauche sous le genre choisi et ne pas avoir à expliquer le pourquoi du comment de la transition… Et Ioanna de conclure : « Le droit à la différence est en train de se gagner, mais le droit à l’indifférence, c’est pas pour demain. Le jour où on sera trans comme on est blonde, on aura gagné. »
* Soirée continue fiction suivi d’un grand débat en direct "Transgenres : la fin d’un tabou ?" à partir de 20h55 le 22 novembre en partenariat avec 20 Minutes.