VIDEO. «Délire total» vs «iconographie érotique scandaleuse», polémique autour une affiche contre le cancer du sein
SEXISME•«20 Minutes» confronte les arguments autour d'une affiche sexiste en faveur du dépistage du cancer du sein...Jean Saint-Marc
L'essentiel
- La polémique a démarré sur Twitter, ce week-end : de nombreux internautes jugent sexiste une affiche sexualisant une femme en pleine mammographie.
- L’illustratrice qui a conçu ce dessin et l’association qui l’utilisent se défendent.
- Leurs arguments n’ont pas vraiment convaincu l’internaute à l’origine de la polémique…
La standardiste semblait paniquée au téléphone. La présidente de l’association de dépistage Arcades est au contraire remontée. « On est dans un délire le plus total », s’énerve la radiologue marseillaise Brigitte Seradour, contactée ce lundi midi. Son association est au cœur d’une polémique au sujet d’une affiche pour le dépistage du cancer du sein, qui sexualise une femme en plein examen médical.
« Je ne compte pas retirer quoi que ce soit », dit-elle de cette affiche réalisée en 2016 et toujours présente dans de nombreuses salles d’attente marseillaises. « Cette polémique n’a absolument pas lieu d’être », renchérit la dessinatrice Mademoiselle Caroline, jointe par 20 Minutes. On a écouté leurs arguments et on les a soumis à Natacha*, qui a lancé la polémique sur Twitter.
- Argument numéro 1 : « Rien de sexiste » ?
« La sexualisation n’a lieu que si on imagine que le docteur est un homme, ce qui est profondément sexiste pour le coup », commence l’illustratrice Mademoiselle Caroline, qui a choisi de répondre à nos questions par mail, et qui précise qu'elle répondait à une commande et que le dessin est ancien. Elle s’interroge : « qu’y a-t-il de sexuel dans ce dessin ? La jupe ? Les talons ? Le soutien-gorge ? » Mademoiselle Caroline explique que son dessin fait référence au film Haut les cœurs, dans lequel le personnage joué par Karin Viard s’habille avec soin pour se rendre à une chimio, à l’hôpital. Réponse de Natacha :
« La cambrure, le soutien-gorge qui pend, la jambe levée, la main sur la hanche, ce n’est pas possible ! Quand on dessine, on sait que chaque détail est un message. Et là, c’est l’archétype de la femme qui aguiche. Ce n’est pas normal de sexualiser le corps d’une femme même dans la maladie, d’avoir recours à une iconographie érotique, c’est scandaleux ! »
- Argument numéro 2 : « Dédramatiser la mammographie » ?
« C’était un clin d’œil ! A-t-on encore le droit de faire de l’humour avec les femmes ? », s’énerve Brigitte Seradour, qui ose même évoquer « un terrorisme intellectuel qui vire au harcèlement ». Le but de la campagne était de « dédramatiser » la mammographie. C’était en tout cas la commande faite à la dessinatrice Mademoiselle Caroline par l’association SOS Cancer du Sein, qui regroupe des malades dans la région Paca. « Notre visuel représente leur joie de vivre, leur énergie et leur humour », explique l'association dans un communiqué.
Séduite par cette proposition, le réseau de dépistage Arcades a décidé de récupérer l’image, qui « montre le côté positif, qui montre qu’on est capable de continuer à sourire », insiste la présidente Brigitte Seradour. Elle le martèle : une mammographie « n’est pas un moment si douloureux que ça. » D’ailleurs, pour Mademoiselle Caroline, la bulle « déjà fini, docteur », n’a rien d’une allusion sexuelle, mais « signifie juste que l’acte médical est rapide. » Contre-argument de Natacha :
« Toutes les femmes qui ont subi des mammographies disent que c’est hyper désagréable de se faire coincer les seins entre deux plaques, qu’on dit plutôt « vivement que ça se termine » que « déjà fini ? » C’est vrai qu’il ne faut pas rendre le truc morbide, mais on n’est pas obligé de sexualiser à ce point et surtout d’autant infantiliser les femmes ! Pour un frottis, on reçoit un texto de rappel de l’Assurance maladie, ça suffit, on n’a pas besoin d’en faire plus avec les joues rouges émoustillées ! On n’a pas 5 ans ! »
- Argument numéro 3 : « Un coup du lobby anti-dépistage » ?
C’est, on doit l’avouer, l’argument qu’on n’avait pas vu venir. « Je pense que ce buzz est orchestré par les anti-vaccins, les anti-dépistage, les anti-tout », s’emballe la radiologue Brigitte Seradour. Il existe en effet, depuis quelques années, un débat sur le surdiagnostic du cancer du sein. Un surdiagnostic provoqué, selon certains médecins, par un dépistage généralisé chez les femmes de plus de 50 ans. Réponse de Natacha :
« Je ne suis militante dans aucune association, d’ailleurs je vis dans un coin plutôt isolé ! Je sais que le dépistage est controversé, surtout chez les femmes de moins de 50 ans, mais je ne suis pas engagée dans ce débat-là. »
Contacté, le cabinet de la secrétaire d’Etat en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa n’a pas répondu à nos sollicitations.
* Son prénom a été modifié, à sa demande.