ENTRETIENFaut-il une loi sur le consentement des mineurs en matière sexuelle?

Viol sur mineurs: «Ce qui a choqué, c’est de découvrir qu’on peut être consentant à 11 ans...»

ENTRETIENProfesseur de droit pénal à l’université Paris II, Didier Rebut revient pour « 20 Minutes » sur le débat autour du consentement des mineurs…
Propos recueillis par V.V.

Propos recueillis par V.V.

L'essentiel

  • Un homme a été acquitté du viol d’une fille de 11 ans car elle était consentante.
  • En réaction, deux ministres ont annoncé leur intention de changer la loi.
  • Le professeur de droit, Didier Rebut, revient sur la notion de consentement.

Onze ans ? 13 ans ? 15 ans ? A quel âge un mineur peut-il être considéré comme « librement consentant » lors d’un rapport sexuel ? Le débat est revenu secouer l’opinion publique, la semaine dernière, après l’acquittement dont a bénéficié un homme de 30 ans qui était jugé pour le viol d’une jeune fille de 11 ans par la cour d’assises de Seine-et-Marne. Les jurés ont considéré que la plaignante était consentante et, donc, que le viol n’était pas caractérisé.

Immédiatement, Marlène Schiappa, la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les hommes et les femmes, a indiqué qu’elle travaillait, avec Nicole Belloubet, la ministre de la Justice, sur une loi qui fixera, dès l’an prochain, « un seuil de présomption de non-consentement » afin de considérer qu’un « enfant ne consent jamais » à avoir des relations sexuelles.

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Professeur de droit pénal à l’université Paris-II et membre du Club des juristes, Didier Rebut a accepté de revenir sur ce débat pour 20 Minutes

L’Espagne l’a fixé à 12 ans. L’Angleterre à 13 ans. Le Danemark à 15 ans… Pourquoi la France n’a-t-elle jamais fixé d’âge au-dessous duquel un enfant est présumé ne pas pouvoir consentir à avoir une relation sexuelle ?

Ce n’est pas dans la logique française. On n’aime pas trop ce qui est rigide. Mettre un carcan, une règle uniforme peut être considéré comme quelque chose de contraignant pour le système à la française qui privilégie l’individualisation de la peine. Il faut rappeler que l’analyse des situations au cas par cas est l’un des fondements de notre droit pénal.

Alors pourquoi la relaxe dont a bénéficié cet homme jugé pour viol secoue-t-elle tant l’opinion publique ?

Cette histoire rappelle une affaire qui s’est déroulée à Pontoise en octobre, lorsqu’un homme de 28 ans ayant eu un rapport avec une fille de 11 ans a été poursuivi pour « atteintes sexuelles » et non pas pour « viol ». Cela fait deux cas extrêmes en très peu de temps. Je ne suis pas certain qu’il y en a eu beaucoup d’autre part le passé.

Mais, dans l’affaire médiatisée cette semaine, je ne suis pas sûr que ce soit la relaxe dont a bénéficié cet homme qui a choqué l’opinion publique. Je pense que ce qui a choqué, c’est plutôt de découvrir que l’on puisse être consentant à 11 ans.

En réaction, deux ministres ont annoncé la préparation d’une loi qui fixera un âge de présomption de non-consentement. Faut-il légiférer, selon vous ?

La notion de présomption est très importante. Si l’on estime dans cette loi que le non-consentement est irréfragable [incontestable], elle sera, selon moi, rejetée par le Conseil constitutionnel. En revanche, si l’on garde la présomption, pourquoi pas ?

Je m’explique : en considérant que la victime est présumée non-consentante, on laisse la possibilité aux avocats de l’accusé de convaincre des jurés du contraire. Mais si l’on part du principe que, quelle que soit la situation, la victime ne pouvait consentir, alors il n’y a même plus de débat. Cela ne sert plus à rien d’interroger les protagonistes d’une affaire. Le pénal, c’est du cas par cas, du débat. Si l’on part là-dessus, on va punir des innocents.

Nicole Belloubet, la ministre de la Justice, a été membre du Conseil constitutionnel. Elle doit bien connaître le sujet…

J’en suis sûr. Et ses services également. C’est pour cela que je ne suis pas inquiet. Nous sommes encore dans l’émotion. Et c’est une bonne chose de se donner le temps d’aboutir à un bon texte. Je suis persuadé que, dans un an, quand cette loi arrivera à l’Assemblée nationale, elle sera très équilibrée.

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