Lyon : « Sur certains secteurs, j’ai plus les yeux en l’air à surveiller ce qui peut nous arriver que sur l’intervention », racontent les pompiers en grève
SÉCURITÉ•Ce lundi matin, environ 250 hommes du feu ont défilé dans le centre-ville pour dénoncer la multiplication des incivilités et agressions à leur encontre...Elisa Frisullo
L'essentiel
- Deux cent cinquante pompiers ont défilé entre la caserne Rochat, dans le 7e arrondissement, et l’auditorium en passant par la préfecture pour défendre leur sécurité.
- Ils déplorent la recrudescence des agressions verbales et physiques à leur encontre, lors de leurs interventions.
En tenues, casques vissés sur la tête, pétards et fumigènes en main, ils ont battu le pavé pour défendre leur sécurité au travail. Ce lundi matin, environ 250 hommes du feu ont répondu à Lyon à l’appel à la mobilisation lancé par le syndicat Sud Sdis pour soutenir leurs collègues récemment agressés ou blessés dans la métropole au cours de leurs interventions. Un phénomène en recrudescence selon les pompiers mobilisés.
« Avant, il arrivait que l’on se fasse caillasser de temps à autre. Il y avait des jours ou des périodes où l’on savait que cela pouvait déborder. Mais là, ça se répète. Tous les soirs on nous appelle pour des feux de poubelle et on sait que cela peut dégénérer », explique un pompier de la caserne de la Doua à Villeurbanne. La semaine passée, l’un de ses collègues en intervention dans le quartier Cusset a été blessé dans le dos par un jet de projectile.
« C’était une tentative d’homicide »
A ses côtés dans le cortège, Wilhem, pompier depuis 18 ans dans le Rhône, confirme. Fin octobre, il faisait partie des six pompiers de Feyzin agressés lors d’une intervention de nuit à Vénissieux. Une violence de trop pour les hommes du feu, qui, suite à cela, ont décidé de se mobiliser pour alerter les autorités. « Quand on est pris dans un guet-apens comme ce soir-là et qu’on reçoit des cocktails Molotov, on est plus sur quelques cailloux lancés contre notre véhicule. Il y avait une volonté de nuire. On a ciblé le personnel. C’est une tentative d’homicide », lâche le sapeur-pompier.
A ces agressions s’ajoutent les incivilités quotidiennes, subies dans tous les quartiers de l’agglomération. « On se fait insulter. On nous empêche de passer au feu. Je ne me l’explique pas vraiment, c’est un peu à l’image de la société, on ne respecte plus rien. C’est vrai qu’on a perdu ce côté populaire que nous avions auprès de la population », regrette Jérôme, 39 ans, pompier à la Croix-Rousse.
En janvier, il quittera cette caserne, encore assez préservée de la violence, pour rejoindre celle de Feyzin où il a été muté avec deux autres de ses collègues. « Depuis que je sais ça, j’appréhende beaucoup. On nous impose d’aller là-bas et avec tout ce qui se passe, c’est compliqué pour nous », lâche l’un d’eux.
La qualité des secours en jeu
Face à cette insécurité, grandissante un peu partout, et notamment dans les zones de sécurité prioritaire, les hommes du feu craignent de voir leur mission de secours de détériorer. « Il y a des jours, je suis davantage les yeux en l’air à surveiller ce qui peut nous arriver que sur mon intervention », regrette l’un des pompiers grévistes.
« On appelle cela la balance des enjeux. On pèse le pour et le contre pour s’assurer que cela vaut le coup de se mettre en danger sur une intervention », ajoute Wilhem. D’autres fois, sur des interventions sur lesquelles ils se sentent menacés, ils sont forcés de rebrousser chemin dans l’attente des services de police. « Quand il s’agit d’aller porter secours à quelqu’un qui fait un arrêt cardiaque, vous imaginez les conséquences que cela peut avoir », ajoute un autre manifestant.
Une escorte policière et plus de pompiers dans les casernes
Pour améliorer leur sécurité, les hommes du feu, dont une délégation a été reçue ce lundi à la préfecture du Rhône, réclament la mise en place systématique d’une escorte policière sur les secteurs à risques et davantage de pompiers dans les casernes. « A Feyzin, la nuit, nous sommes six pour couvrir tout le secteur. Quand on a sorti le camion, plus personne n’est disponible pour partir sur une autre intervention », ajoute Wilhem. Ils réclament également l’anonymisation de leurs plaintes pour éviter les représailles à leur encontre et une réponse judiciaire plus adaptée en cas d’agressions.
« En août 2013, l’un de nos collègues s’est fait agresser vers l’auditorium. L’auteur des faits a été arrêté mais quatre ans plus tard, il n’a toujours pas été jugé », déplore Jérôme. En l’honneur de ce pompier et de leurs collègues violemment pris à partie ces derniers temps sur le terrain, les manifestants ont achevé ce lundi leur défilé à l’auditorium. Un site devenu, pour eux, le symbole de leur lutte contre les violences et l’impunité.