ETUDELes Français sont plus pessimistes en matière d'égalité hommes-femmes

Les Français sont plus pessimistes qu'avant en matière d'égalité entre les femmes et les hommes

ETUDESelon une enquête de la Fondation Jean-Jaurès dévoilée ce lundi par « 20 Minutes », les Français sont un peu plus pessimistes qu’il y a treize ans en matière d’égalité entre les hommes et les femmes…
Laure Cometti

Laure Cometti

L'essentiel

  • Une enquête de la Fondation Jean-Jaurès indique que trois Français sur quatre estiment que l’égalité entre les femmes et les hommes est loin d’être atteinte.
  • Ce résultat est en baisse par rapport à une étude similaire réalisée en 2004.
  • Plusieurs facteurs, notamment économiques et sociétaux, expliquent cette perception d’un recul en matière d’égalité entre les sexes.

De plus en plus de Français estiment que l’égalité entre les femmes et les hommes est encore loin d’être atteinte. C’est ce que révèle une étude réalisée par la Fondation Jean-Jaurès avec l’Institut français d’opinion publique* que 20 Minutes a pu consulter en exclusivité. Pour 74 % des Français, « il y a encore beaucoup de choses à faire » pour atteindre l’égalité entre les sexes. Ils jugent que la situation ne s’améliore pas, puisqu’en 2004 ils étaient un peu plus nombreux à penser que l’égalité était « à peu près atteinte » (29 % contre 24 % aujourd’hui)**. Comment expliquer cette perception accrue des discriminations à l’égard des femmes ?

Une sensibilité croissante à ces questions

Est-elle due aux révélations liées à l’affaire Weinstein, qui a éclaté quelques jours avant cette enquête, et aux témoignages de femmes victimes de violences sexuelles ou de harcèlement qui se sont multipliés sur les réseaux sociaux ? En partie, selon Armelle Lebras-Chopard, spécialiste des questions d’égalité hommes-femmes. « Avec l’essor d’Internet et des réseaux sociaux, on a aujourd’hui plus de témoignages de violences sexuelles et sexistes et une meilleure connaissance de l’ampleur de ce phénomène », juge la professeur émérite à l’université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.

Une ampleur que l’enquête confirme : seules 29 % des femmes déclarent ne jamais faire l’objet de harcèlement dans les lieux publics, et seulement 18 % des moins de 35 ans. Les deux tiers des sondées jugent « élevé » ou « assez élevé » le risque d’être agressées sexuellement quand elles sortent le soir, et trois quarts des femmes de moins de 35 ans. Une crainte que ressentent autant les habitantes des zones rurales que celles des milieux urbains, de l’agglomération parisienne ou du reste du pays.

Plus de discriminations au travail ?

Le contexte économique joue aussi sur ce sentiment de recul. « La crise de 2008 est passée par là : les femmes paient le plus lourd tribut car elles ont des emplois plus précaires et sont plus touchées par le chômage », explique Armelle Lebras-Chopard. « La maternité est notamment devenue une source de discrimination plus importante depuis la crise », abonde Chloé Morin, directrice de l’Observatoire de l’opinion de la Fondation Jean-Jaurès. Ainsi, 22 % des femmes interrogées disent avoir eu le sentiment d’être discriminées à l’embauche en raison de leur sexe et 36 % des moins de 35 ans déclarent avoir retardé leur maternité par peur de freiner leur carrière.

Des facteurs culturels et sociétaux jouent aussi. Selon la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa, de plus fortes injonctions pèsent aujourd’hui sur les femmes : « il faut être une mère parfaite et en même temps faire carrière », résume-t-elle dans un entretien exclusif à 20 Minutes. Un chiffre l’illustre bien : 82 % des femmes (et 73 % des hommes) ont le sentiment que prendre un congé maternité freine la carrière d’une femme (35 points de plus qu’en 2000 pour les femmes et 18 de plus pour les hommes***).

« Une reprise de conscience généralisée »

L’égalité salariale est citée comme la priorité par 67 % des sondés. Rappelons qu’à travail égal et compétences égales, les femmes salariées étaient payées en moyenne 14 % de moins que les hommes en 2014 selon l’Insee, et que cet écart se creuse chez les cadres (23,6%).

« Les années 2000 ont été une période faste politiquement pour les femmes, avec l’adoption des lois sur la parité et sur l’égalité professionnelle », souligne Armelle Lebras-Chopard. Des textes qui ont suscité des « espoirs » aujourd’hui quelque peu douchés, « même si des progrès ont été faits depuis », poursuit-elle. D'où cette « reprise de conscience généralisée, avec des hommes de plus en plus concernés », souligne la politologue. Les sondés masculins sont en effet 65 % à affirmer qu’il y a encore beaucoup à faire pour atteindre l’égalité entre les sexes en France. Ils sont donc moins pessimistes que les femmes (82%), mais très concernés par les enjeux d'égalité et ce dans tous les domaines (emploi, sécurité, partage des tâches), comme le montre cette étude.

* Enquête réalisée par la Fondation Jean-Jaurès et menée par l’Institut français d’opinion publique auprès d’un échantillon de 1.001 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas), réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 17 au 18 octobre 2017.

** Etude TNS Sofres pour le magazine Pèlerin, réalisée les 10 et 11 février 2004 auprès d’un échantillon de 1.000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas), interrogées en face-à-face à leur domicile.

*** Etude Ipsos pour Rebondir, réalisée les 4 et 5 février 2000 auprès d’un échantillon de 498 personnes représentatif de l’ensemble de la population française âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas), interrogées par téléphone.