INTERVIEW«Le terrorisme politique d'extrême droite a laissé place à des groupuscules

Projet d'attentat de l'ultra-droite: «Le terrorisme politique d'extrême droite a laissé place à des groupuscules éclatés»

INTERVIEWAnaïs Voy-Gillis, spécialiste de l’extrême droite européenne, revient sur le coup de filet contre dix personnes soupçonnées d'avoir voulu attaquer des hommes politiques...
Police (illustration).
Police (illustration). - M.Libert/20 Minutes
Philippe Berry

Propos recueillis par Philippe Berry

Dix personnes, gravitant dans la mouvance d’ultra-droite, ont été arrêtées ce mardi, dans une enquête sur un projet d’attentat contre des hommes politiques français et des mosquées. L’initiateur présumé de ces attaques, arrêté en juin dernier, serait Logan Alexandre Nisin, ex-membre de l’Action française Provence et du Mouvement pour une nouvelle aurore (MPNA).

Il était, selon nos informations, l’administrateur d’une page Facebook glorifiant Anders Behring Breivik, terroriste norvégien d’extrême droite. Il communiquait avec une dizaine de personnes âgées de 17 à 25 ans, qui projetaient un attentat contre des migrants et des hommes politiques, dont Jean-Luc Mélenchon et le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner.

Après les actions armées de l’Organisation armée secrète (OAS) et du Groupe Charles-Martel dans les années 60-80, « le terrorisme politique d’extrême droite a laissé place à des groupuscules éclatés » et à des loups solitaires, comme Maxime Brunerie, qui avait tenté d’assassiner Jacques Chirac en 2002, estime Anaïs Voy-Gillis, doctorante en géopolitique à l’Institut français de géopolitique (IFG) et spécialiste de l’extrême droite européenne.

Il y a finalement eu peu d’attaques contre des hommes politiques ces dernières années. Le terrorisme politique est-il en déclin ?

Le terrorisme politique d’extrême droite organisé a laissé place à des groupuscules éclatés identitaires et nationalistes qui n’étaient plus dans une stratégie de lutte armée. La prévention a joué un rôle important, grâce à une étroite surveillance des milieux extrémistes [comme dans l’arrestation d’un homme qui projetait d’attaquer Emmanuel Macron lors du défilé du 14 juillet]. Des groupes radicaux ont également été dissous, comme les Jeunesses nationalistes révolutionnaires, après la mort de Clément Méric.

La poussée nationaliste dans le sillage du Brexit, de Donald Trump et de Marine Le Pen décomplexe-t-elle les éléments les plus radicaux ?

En France, la dédiabolisation du Front national, réalisée à des fins électorales, a laissé la place libre à une mouvance plus radicale qui a trouvé sur le Web et sur les réseaux sociaux une caisse de résonance. Les attentats de Daesh ont également exacerbé la rhétorique de cette frange sur la nécessité de défendre la nation et la race blanche contre un ennemi commun, avec un leitmotiv qui revient souvent : que personne ne fait rien et qu’ils sont le dernier rempart.

L’utilisation de messageries chiffrées comme Telegram complique-t-elle la surveillance ?

C’est un facteur mais ces individus communiquent également beaucoup sur les réseaux sociaux et laissent des traces. Le plus difficile pour les autorités est de déterminer quand il y a un véritable risque au-delà de la propagande. Et comme chez les djihadistes, il ne faut pas négliger le facteur des maladies mentales dans le passage à l’acte.