Harcèlement sexuel: Quel est le profil des hommes qui harcèlent?
PSYCHO•Les travaux de psychologues et psychiatres sur le harcèlement sexuel détaille différents profils de harceleurs…L.C.
L'essentiel
- Le harcèlement sexuel ne relève pas toujours de la pathologie selon plusieurs psychiatres.
- Les harceleurs peuvent avoir différents profils psychologiques.
Les témoignages de victimes de harcèlement sexuel se sont multipliés ces dernières semaines. Les victimes racontent comment des collègues, patrons, connaissances ou de simples inconnus les ont harcelées sexuellement*. Qu’est-ce qui motive de tels agissements et quel est le profil des harceleurs ?
Des ressorts psychologiques divers
Pour le psychiatre Samuel Lepastier, qui a travaillé sur le harcèlement sexuel, « il y a une dimension psychologique importante dans ces actes qui reposent sur des relations de confiance ou de dépendance ». Il distingue trois types de harceleurs : « l’impuissant, qui a besoin d’exercer son pouvoir et son statut social ou hiérarchique ; le pervers, qui prend du plaisir en rabaissant sa victime, avec une forme de sadisme ; et celui qui aime le sentiment que rien ne l’arrête, un narcissique ».
Pour autant, il n’y a pas de profil-type : « ces trois pôles peuvent se retrouver chez une même personne », ajoute le psychiatre qui dit à 20 Minutes avoir été surpris, lorsqu’il a commencé à s’intéresser à ce sujet il y a plusieurs années, par le nombre de ses patients qui étaient des harceleurs « mais n’en avaient pas conscience ».
Une dimension collective et sociale
« Les harceleurs utilisent des mécanismes psychologiques manipulatoires », définit le professeur Roland Coutanceau**, spécialiste de la violence sexuelle. « Il y a ceux qui sont capables de s’arrêter juste avant la limite : ils arrêtent la manipulation ou les pressions exercées sur l’autre, soit calmement, soit en se vengeant agressivement. Et il y a ceux qui basculent de la violence psychologique à la violence physique », souligne-t-il à 20 Minutes.
L’environnement peut aussi jouer. « Dans certaines entreprises, si le patron harcèle, beaucoup d’hommes vont se sentir autorisés à le faire, le groupe masculin se soude », observe Samuel Lepastier. Autrement dit, certains hommes se sentiraient « autorisés » à agir ainsi par le comportement impuni d’autres hommes. Une étude scientifique américaine publiée en 1993 a démontré que les « normes locales », comme l’environnement de travail, avaient un impact sur le harcèlement sexuel.
Des cas pathologiques ?
Dans un tiers des cas, le harcèlement sexuel serait pathologique, selon le professeur Charles-Siegfried Peretti, chef de service à l’hôpital Saint-Antoine, interrogé par Slate. Il distingue les « addicts » - à l’instar de Dominique Strauss-Kahn- des « pervers ». Les premiers « ont besoin de consommer », lorsque les seconds prennent du plaisir en rabaissant la femme et en la « chosifiant ». Ces observations psychologiques ne nous éclairent toutefois pas sur les profils sociologiques des harceleurs sexuels, faute de données suffisantes.
Quels enseignements ces psychiatres ont-ils tirés de leurs travaux sur le harcèlement sexuel ? Samuel Lepastier observe que tant qu’il n’y est pas contraint pénalement, le harceleur ne demande généralement pas à être suivi psychologiquement. Il peut cesser si « la victime sort de la relation d’autorité, par exemple en demandant à un médecin harceleur une consultation hors de son cabinet ».
Pour Roland Coutanceau, « le sujet va arrêter si la personne réagit de manière radicale, en menaçant de tout dévoiler publiquement ». Une démarche néanmoins difficile, surtout lorsque le harcèlement sexuel a lieu au travail ou dans des espaces de pouvoir. « Il y a dans certains milieux des pratiques à risques », déplore-t-il, évoquant les actrices invitées en tête-à-tête dans une chambre d’hôtel avec un producteur, ou à l’inverse, les rendez-vous médicaux qui se déroulent aux Etats-Unis en présence d’une tierce personne.
*Selon la loi du 6 août 2012, le harcèlement sexuel correspond au fait « d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante », ou d’user « de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle », même de façon non répétée.
** Auteur avec Carole Damiani et Mathieu Lacambre de Victimes et auteurs de violence sexuelle (Dunod, 2016).