SECURITEA Paris, la cellule «Synapse» modernise le maintien de l'ordre

Manifestations: «Dans le maintien de l'ordre, il faut accepter une part d'incertitude et de hasard»

SECURITEPour faire face au nombre grandissant de manifestations à Paris, la préfecture s’est dotée au début de l’année d’une cellule chargée de moderniser le maintien de l’ordre…
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • La cellule Synapse a pour objectif de réfléchir à la doctrine du maintien de l'ordre.
  • Elle est composée de six membres accompagnés par des étudiants de Sciences Po, de Polytechnique et des cadres administratifs.
  • 7.500 événements ont lieu chaque année à Paris.

Tirer les enseignements de chaque manifestation pour moderniser le maintien de l’ordre. Ainsi pourrait être résumé l’objectif de la cellule « Synapse », créée au mois de février par la préfecture de police de Paris. Ses six membres, accompagnés par des étudiants de Sciences Po, de Polytechnique et des cadres administratifs, passent au crible les différents rassemblements. Leur regard se porte évidemment sur les manifestants et notamment les black blocs, ces membres de la mouvance autonome souvent venus pour en découdre. Comment se forment-ils, quels sont leurs codes, leurs signes de ralliement ? Mais les fonctionnaires se penchent également sur l’action des policiers et des gendarmes. Quelles actions sont les plus efficaces face à telle ou telle population ?

Quelque 7.500 rassemblements à Paris tous les ans

« Pendant longtemps, on travaillait au jour le jour. Si une technique marchait, on la reproduisait. Dès qu’il y avait un échec, on arrêtait », explique le commissaire divisionnaire Alexis Marsan, adjoint au chef d’état-major de la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC). Cette réflexion globale autour de la doctrine du maintien de l’ordre doit permettre de faciliter le travail de terrain.

Chaque année, la capitale accueille quelque 7.500 événements, dont 3.500 « manifestations revendicatives ». Et en la matière, l’année 2016 a été particulièrement riche. Cop 21, loi travail, Nuit Debout, l’Euro de foot… « Le volume et la diversification des actions – manifestations, événements sportifs, culturels ou voyages officiels – nous donnent une matière à exploiter », poursuit le commissaire divisionnaire.

« Vers la pointe du diamant »

Certains changements ont d’ores et déjà été amorcés. Désormais, les cortèges de tête, dans lesquels les black blocs remplacent souvent les leaders syndicaux, ne sont plus infiltrés par des policiers en civil. Trop dangereux. « Certains pourraient s’en prendre à des manifestants en pensant qu’ils sont policiers. » De même, exit les unités en amont. Désormais, elles sont positionnées dans des rues adjacentes. Le filtrage avant les manifestations itinérantes est de moins en moins courant car il est impossible de le maintenir sur tout le parcours. « On ne s’interdit pas d’avoir recours à ces techniques au cas par cas, mais ce n’est pas la philosophie générale », abonde le chef de la cellule, le commissaire Maxence Creusat.

Autre changement, et non des moindres, les interpellations de masse, jugées peu efficace en termes de judiciarisation, sont de plus en plus délaissées au profit d’enquêtes ciblées sur des manifestants repérés. La police scientifique est mise à contribution, notamment pour relever des empreintes. « Après avoir testé le "massif" on va vers la pointe fine du diamant », résume le commissaire divisionnaire Marsan.

« Certains groupes sont irrationnels »

La cellule, en contact avec ses homologues européens, réfléchit également à de nouveaux outils pour assurer le maintien de l’ordre. Une réflexion sur les marqueurs chimiques a été lancée, mais pour l’heure la technologie n’est pas suffisamment au point et le cadre juridique inapproprié. De même, la préfecture réfléchit à l’utilisation de mégaphones très puissants ou de panneaux lumineux pour informer les manifestants pendant le défilé. Reste un élément essentiel mais impalpable : « Dans le maintien de l’ordre, il faut accepter une part d’incertitude et de hasard.Certains groupes sont irrationnels », explique le commissaire Creusat.