SOCIÉTÉLes trésors culinaires des quartiers dévoilés dans un livre de recettes

Lyon: Les trésors de femmes des quartiers populaires dévoilés dans un livre de recettes

SOCIÉTÉ« Femmes d’ici, Cuisines d’ailleurs », un livre de recettes singulier créé à Lyon, est sorti cette semaine aux éditions Albin Michel…
Lyon, le 13 octobre 2017. Boris Tavernier, fondateur de Vrac, a imaginé le livre de recettes
Lyon, le 13 octobre 2017. Boris Tavernier, fondateur de Vrac, a imaginé le livre de recettes  - E. Frisullo / 20 Minutes
Elisa Frisullo

Elisa Frisullo

L'essentiel

  • Cet ouvrage, imaginé par l'association lyonnaise Vrac, mêle recettes, illustrations, photos et récits écrits par le Goncourt Alexis Jenni.
  • A travers chaque plat, on découvre les tranches de vie d'une quinzaine de femmes des quartiers populaires de la métropole de Lyon.

Un livre dont chaque page se déguste et dans lequel les recettes racontent, avec saveur, des tranches de vie de femmes des quartiers populaires lyonnais. Après un an d’attente, Amaria, Zaineb, Nathalie, Saleha ont vu débarquer avec émotion cette semaine en librairie, Femmes d’ici, cuisines d’ailleurs, un ouvrage (1) de recettes pas comme les autres, né à l’initiative de Vrac. Fin 2016, cette association lyonnaise, destinée à rendre accessibles dans les quartiers populaires des denrées de qualité grâce aux coopératives d’achat, s’est mise en tête de raconter, à travers des plats, ces cuisinières hors pair, rarement mises en lumière.

L’idée est née au Mas du Taureau, à Vaulx-en-Velin, lors d’un concours de cuisine organisé dans le quartier, en présence de chefs lyonnais. « J’avais vu la fierté des femmes et leur bonheur de partager ce moment de plaisir. Je voulais que cela reste dans le temps », rappelle Boris Tavernier, fondateur et directeur de Vrac. Ce projet, il ne le fera pas seul. Ce livre de recettes doit être un ouvrage singulier. Il s’entoure alors de cinq hommes dont un illustrateur, Emmanuel, Denis, un photographe, Genaro, un graphiste, et d’un écrivain, le Lyonnais Alexis Jenni, Goncourt 2011. Le jeune chef Grégory Cuilleron a préfacé le bouquin, financé en partie grâce au crowdfunding.

Lyon, le 13 octobre 2017. Le livre
Lyon, le 13 octobre 2017. Le livre  - E. Frisullo / 20 Minutes

« Changer le regard sur ces quartiers »

« On donne peu la parole aux habitants des quartiers populaires. On ne les connaît pas bien et du coup, comme tout ce que l’on connaît mal, on en a peur. Je voulais changer le regard que l’on porte sur ces quartiers, mettre en valeur ces femmes », ajoute Boris.

Leur quête les emmène à la Duchère à Lyon, aux Noirettes à Vaulx-en-Velin, à Bron Terraillon ou encore à la Perralière à Villeurbanne, chez des cuisinières qui les accueillent autour d’une plat. Au fil des repas, ces dernières se livrent. « On s’est retrouvé dans le Cambodge des années 70, en Centrafrique, en Afghanistan… Par le prisme de la cuisine, on a découvert leurs histoires», ajoute Boris. Des récits racontés en illustrations, en images et sous la plume d’Alexis Jenni.

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Des recettes et des tranches de vie

Awa, arrivée en France il y a 22 ans après avoir grandi à Banghi en Centrafrique, a concocté un bœuf épinards arachides. Cette Villeurbannaise a grandi dans une famille nombreuse, avec seize frères et sœurs et plusieurs femmes qu’elle appelait toutes « maman ». Son père, directeur des postes, était polygame. Il s’est marié avec cinq femmes, dont la mère d'Awa qui est partie lorsqu’elle avait trois ans.

Cette quadragénaire a fini par quitter la Centrafrique pour la France, après avoir rencontré son mari dans un centre pour enfants des rues de Banghi. Gilles était volontaire pour l’ONG ATD, la jeune femme y venait avec sa fille et cuisinait pour les bambins.

Lyon, le 13 octobre 2017. Le livre
Lyon, le 13 octobre 2017. Le livre  - E. Frisullo / 20 Minutes

Sadia, elle, a choisi le palaw, une recette d’Afghanistan, son pays d’origine. Elle a appris à cuisiner aux côtés de sa mère à Kaboul, où elle a connu la guerre civile, les « tirs, les explosions » et les réveils en pleine nuit pour aller s’abriter au sous-sol, « en buvant du thé et en dégustant des gâteaux ».

Elle a quitté Kaboul, seule à 14 ans, à la mort de sa mère pour venir vivre à Châlons-sur-Saône chez son oncle et sa tante qu’elle ne connaissait pas. En préparant sa recette à base de poulet, riz, légumes et multiples épices, Sadia raconte son arrivée en France, puis son BEP et ses années passées comme aide soignante dans les hôpitaux lyonnais. Un métier qu’elle a finalement abandonné récemment pour se reconvertir dans la cuisine, sa passion.

« Après tout ce que j’ai vu en Afghanistan, la seule chose qu’il y a c’est le plaisir, bien manger, bien boire, tous ensemble », confie Sadia, qui travaille depuis peu dans un restaurant du centre de Lyon. « On a rencontré des femmes ordinaires aux parcours extraordinaires », résume Boris.

(1) 29.90 euros aux Editions Albin Michel.