La rentrée un peu trop sportive des étudiants de la filière Staps
EDUCATION•Les conditions d’études sont dégradées dans cette filière, très voire trop prisée par les étudiants…Delphine Bancaud
L'essentiel
- Cette année, 10.000 étudiants n’ont pas été acceptés dans cette filière, faute de places.
- Les amphis sont bondés et les TD ne sont pas dispensés dans de bonnes conditions.
- Les néo-étudiants sont parfois décontenancés par le contenu de la formation.
Ils ont la malchance d’avoir choisi une filière universitaire qui est victime de son succès. Les étudiants de Staps (Sciences et techniques des activités physiques et sportives) vivent une rentrée particulièrement difficile. Car cette année, les bacheliers ont été encore plus nombreux à demander une place en Staps lors de leur inscription sur APB (la filière était le vœu d’orientation numéro 1 de 33.000 lycéens en 2017). Face à ce déluge de candidatures, certaines universités ont même été contraintes d’organiser un tirage au sort.
« Et même si les universités ont poussé leurs murs pour accueillir un maximum d’étudiants, 10.000 bacheliers se sont vus refuser l’entrée en Staps faute de place », informe Orlane François, présidente de l’association nationale des étudiants en Staps (Anestaps). Des déçus qui se sont souvent inscrits dans une autre filière par défaut…
Les néo-étudiants tombent de haut
Une situation qui aurait pu rendre ceux qui ont décroché en Staps encore plus conscients de leur chance. Mais force est de constater que l’humeur n’est pas à la fête dans les UFR Staps de France. « La semaine dernière des manifestations ont eu lieu dans 25 villes de France », explique Orlane François. Une première si peu de temps après la rentrée. Sur Twitter les hashtags #stapsenperil et #stapsencolere ont témoigné des récriminations croissantes des étudiants de la filière.
Et alors que les néo-étudiants de L1 devraient découvrir avec enthousiasme leur nouvelle vie à la fac, l’heure est plutôt à la désillusion. « Les conditions d’études ne sont pas optimales. Les infrastructures ne sont pas compatibles avec le nombre d’étudiants inscrits, les installations sportives sont insuffisantes, le personnel administratif est trop peu nombreux, certains cours sont annulés, reportés ou dédoublés sur plusieurs sites… », énumère Orlane François.
Les cours magistraux dans des amphis bondés
Alban en L1 de Staps à Saint-Etienne a ainsi pu découvrir les cours magistraux dispensés dans des amphis surchargés : « Lors des premiers cours, certains étudiants étaient debout faute de place. Et c’était très dur de se concentrer, car dès qu’un étudiant commençait à se distraire, il perturbait tous les autres. Et c’était très pénible pour les profs aussi », raconte-t-il. Du coup, son université a décidé de mettre des cours vidéos en ligne que les étudiants peuvent consulter chez eux avant de venir approfondir les notions abordées en cours. Un dispositif de classe inversée qui doit permettre d’améliorer les conditions d’études et qu’a aussi mis en œuvre l’UFR Staps de Grenoble.
Mais il n’y a pas que les étudiants de première année qui trinquent. Titouan, en L3 Staps à Rennes, en témoigne : « L’autre jour, le prof a donné son cours magistral dans une salle de TD, faute d’amphi disponible. J’ai dû aller chercher une chaise dans une autre salle de la fac pour réussir à m’asseoir », raconte-t-il. Pas étonnant que beaucoup d’élèves désertent les cours magistraux dès les premières semaines : « Or, la présence à ces cours est très importante pour comprendre et assimiler l’enseignement. Si on les rate, c’est forcément handicapant », souligne Orlane François.
La filière ne ressemble pas à ce qu’ils avaient imaginé
Même souci lors des séances de TD : « on est entre 35 et 40 étudiants. Du coup, on a peu d’échanges avec les profs, qui ne peuvent pas non plus faire de pédagogie différenciée. Les TD finissent par ressembler à des cours magistraux alors que ça ne devrait pas être le cas », déplore Titouan. Même son de cloche auprès d’Elliot, inscrit en DU de Staps : « En L1, L2 ou L3, les TD sont surchargés. Et comme les chargés de TD sont souvent des vacataires qui ont un autre boulot à côté, ils n’ont pas le temps de faire un accompagnement pédagogique de qualité pour autant d’étudiants », lâche-t-il.
Outre ces difficultés matérielles, les étudiants en Staps sont aussi confrontés à une autre réalité. « Beaucoup pensaient qu’ils feraient surtout du sport. Et ils tombent de haut lorsqu’ils se rendent compte que la filière met l’accent sur les matières scientifiques », constate Alban. Car la physiologie, la psychologie, l’anatomie ou encore la biomécanique sont inscrites au programme. Et le niveau d’exigence est élevé.
De trop nombreux abandons
Mises bout à bout, ces difficultés incitent chaque année de nombreux étudiants à larguer les amarres dès la fin octobre « après avoir reçu leurs premières notes », précise Eliott. Et 2017 ne devrait pas faire exception… « Au final 60 % des étudiants abandonnent ou se réorientent au cours de la première année », observe Orlane François. Un gâchis humain qui pourrait être évité selon elle : « Il faut que les universités disposent de plus de moyens et qu’elles investissent davantage dans la filière Staps. Il faut aussi davantage avoir recours au numérique pour développer la pédagogie inversée en remplacement des cours magistraux classiques », suggère-t-elle.
« Je pense qu’il faudrait aussi mieux communiquer sur le contenu scientifique des cours auprès des lycéens, afin de leur éviter d’être déçus », ajoute Alban. De son côté, le ministère de l’Enseignement supérieur a confié une mission au recteur Thierry Terret dans le cadre de la concertation sur le premier cycle universitaire. « Il remettra ses propositions à la ministre fin octobre concernant une meilleure orientation des bacheliers vers cette filière et les prérequis qui seront demandés à l’entrée de la L1 », indique l’entourage de Frédérique Vidal à 20 Minutes. Une chose est déjà sûre : plus aucun étudiant de Staps n’aura été tiré au sort pour intégrer la filière. Un premier progrès.
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