Rentrée scolaire: Que restera-t-il de la réforme du collège ?
EDUCATION•Cette réforme avait suscité l’ire d’enseignants, d’intellectuels et de personnalités de droite…
Delphine Bancaud
Contestée, puis détricotée. La réforme du collège, mise en œuvre à grand bruit par Najat Vallaud-Belkacem en 2016, a été en partie déconstruite par le nouveau ministre de l’Education. Au grand dam de ceux qui prônent la continuité des politiques éducatives.
Il faut dire que cette réforme avait cristallisé les critiques de nombreux enseignants, intellectuels et ténors de la droite. Du coup, dès le mois de juin, le gouvernement a pris un décret permettant un assouplissement de la réforme du collège dans les établissements afin de redonner de la souplesse aux équipes dans l’organisation de leurs enseignements. Lors de sa conférence de presse de rentrée, Jean-Michel Blanquer a d’ailleurs multiplié les allusions critiques, expliquant qu’il fallait « lutter contre les inégalités, non pas par l’uniformité, mais en tirant tout le monde par le haut, en créant du plaisir et de la passion. » 20 Minutes fait l’inventaire de ce qui a survécu de la réforme et de ce qui a été passé à la trappe…
Les classes bilangues, mises à mal par la réforme, vont être recrées
La réforme prévoyait de supprimer les sections européennes du collège et les classes bilangues, qui concernaient 15,9 % des élèves français. Mais face à la bronca, seulement un tiers des classes bilangues ont disparu. C’est encore trop, selon le ministre de l’Education, qui a autorisé les collèges à rétablir des classes bilangues. Ils peuvent aussi mettre en œuvre un nouvel enseignement de langue et culture européenne (qui remplace les anciennes sections européennes) dès la 5 eme permettant de renforcer l’apprentissage des langues, jusqu’à deux heures à chaque niveau.
« Beaucoup d’établissements se sont emparés de cette possibilité de rétablir des classes bilangues dès cette rentrée. Car sur le plan des ressources humaines, c’était facile à faire. En effet, de nombreux professeurs d’allemand se sont retrouvés en sous service après la réforme du collège », explique Claire Krepper, secrétaire nationale du Se-Unsa. Et si les chefs d’établissement se sont précipités sur cette opportunité, c’est qu’ils étaient très motivés, souligne Philippe Tournier, secrétaire général du syndicat des chefs d’établissement (SNPDEN) : « les classes bilangues sont un moyen d’attirer des élèves de bon niveau ». Un élément d’attractivité dont certains collèges ne peuvent pas se passer.
L’enseignement d’une seconde langue dès la 5e va perdurer
La réforme du collège avait en revanche introduit l’enseignement d’une deuxième langue dès la 5ème (et non à partir de la 4e comme auparavant) pour tous les élèves. Jean-Michel Blanquer ne revient pas sur cette avancée. « Mais le fait que l’on recréé des classes bilangues allemand-anglais, va tuer l’allemand choisi en LV2 en 5 eme », prédit Claire Krepper.
Les EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) ne meurent pas, mais vont décliner
Les EPI, qui ont vu le jour avec la réforme du collège, consistent à mêler au moins deux enseignants de différentes disciplines sur des thématiques définies (corps, santé, culture et création artistique…). Deux EPI devaient être proposés aux élèves chaque année. Ce qui n’avait pas du tout plus à certains profs, dénonçant une pluridisciplinarité à marche forcée. « Certains profs ont fait de la résistance en refusant d’intervenir avec un autre collègue lors de ces cours », a constaté Frédérique Rolet, porte-parole du Snes.
Ils se sont donc frotté les mains lorsqu’ils ont vu que le décret du gouvernement assouplissait les EPI. Car un seul EPI est désormais obligatoire dans la scolarité de chaque collégien et il n’y a plus de thématiques imposées. « Dans les établissements les plus réfractaires aux EPI au démarrage, ces enseignements vont tomber en désuétude », prédit Alexis Torchet, secrétaire national du Sgen-CFDT. Un avis partagé par Philippe Tournier : « On a voulu imposer l’interdisciplinarité en l’inscrivant dans l’organisation du collège, mais cela ne fonctionne pas. Les vrais changements pédagogiques doivent se faire via la formation et se répandre de manière spontanée » estime-t-il.
« Mais la situation ne sera pas uniforme partout », précise Alexis Torchet. « Dans les établissements où les enseignants ont beaucoup travaillé pour s’emparer des EPI et où ils ont été convaincus de leur intérêt, ils seront maintenus en nombre », indique-t-il.
Les options latin et grec vont (en principe) revoir le jour
La réforme du collège a supprimé les options de latin et de grec. Mais elles ont été remplacées par un enseignement pratique interdisciplinaire (EPI) Langues et cultures de l’Antiquité, et un enseignement de complément facultatif,un dispositif ouvert en théorie à plus d’élèves que les options d’auparavant. Cette mesure avait été l’une des plus contestées de la réforme, accusée de vouloir tuer à petit feu les langues anciennes.
Jean-Michel Blanquer a annoncé qu’il voulait développer l’enseignement du latin et du grec, y compris dans les quartiers en difficulté, estimant que les langues anciennes sont « modernes » et vecteurs de « lutte contre les inégalités », dans une critique implicite à Najat Vallaud-Belkacem. Il a d’ailleurs demandé à un inspecteur général honoraire, Pascal Charvet, « d’identifier les voies et les leviers pour développer l’enseignement des langues anciennes en France ».
Dès cette rentrée, les chefs d’établissement ont la possibilité de rebooster les heures de latin et de grec (1 heure en 5 eme et jusqu’à 3 heures en 4 eme et 3 eme). Selon la rue de Grenelle, 18 % des collèges ont prévu d’augmenter le volume horaire du latin et du grec dès l’année scolaire 2017-2018. Un chiffre assez faible qu’explique Alexis Torchet : « le décret d’assouplissement de la réforme du collège est arrivé tardivement alors que les établissements avaient déjà préparé leur rentrée et avaient réparti leurs dotations horaires aux différentes disciplines ».
Pas sûr pour autant, que les langues mortes regagnent du terrain l’année prochaine. Car leur enseignement s’effritait déjà avant la réforme du collège, faute de demande. « On peut s’imaginer que l’an prochain, les chefs d’établissement feront des choix pédagogiques plus marqués grâce à l’assouplissement de la réforme du collège. Ils pourront décider de dédoubler des cours, de recréer une classe bilangue ou de développer les langues mortes », assure-t-il.