Manifestations des livreurs de Deliveroo: «La tarification à la course, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase»
TEMOIGNAGE•Alors que les livreurs Deliveroo continuent de manifester ce lundi dans toute la France pour obtenir une meilleure rémunération, Maxime Moulla, lui, a décidé d’arrêter son job de livreur…Arian Karimi
L'essentiel
- A partir de ce lundi 28 août, Deliveroo paiera tous ses coursiers 5 euros par livraison en régions et 5,75 euros à Paris.
- Cette date correspond à la fin des contrats conclus avant août 2016 selon lesquels les livreurs embauchés au statut d’indépendant étaient payés 7 euros de l’heure auxquels s’ajoutait une prime de 2 à 4 euros
- Les manifestations se multiplient dans toute la France contre la précarité engendrée par cette mesure.
Ils étaient déjà une centaine de livreurs Deliveroo à manifester dimanche à Paris, Bordeaux, Lyon et Nantes en vue d’une meilleure rémunération. Et, ce lundi, la mobilisation ne faiblit pas. Ce 28 août sonne la fin définitive des anciens contrats de la plateforme de livraison de repas à domicile. Ces derniers permettaient aux livreurs d’être payés 7 euros de l’heure, plus un bonus allant de 2 à 4 euros par course, selon leur ancienneté. Désormais ils seront payés 5 euros par course (5,75 euros dans Paris). Un changement qui ne passe pas, pour Maxime Moulla, livreur pour Deliveroo depuis 2016.
Baisse de rémunération
Au début, travailler pour Deliveroo arrangeait très bien cet étudiant de 22 ans qui livrait des plats tous les jours de 19 h à minuit dans la commune de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Le job lui rapportait un complément de revenus fixe, suffisant pour payer son école de commerce. Ce ne sera plus le cas désormais avec la décision de l’entreprise de payer les livreurs à la commande. « En période de vacances scolaires, il m’est arrivé d’effectuer seulement une course en quatre heures », avoue le coursier. Pour Diego Guglieri Don Vito du collectif 2CL & LFV, interrogé par l’AFP « les pertes seraient de 20 % à 30 % pour les livreurs ».
Maxime Moulla reproche à la société de les avoir trompés. « Deliveroo nous a proposé des tarifications attractives pour se faire connaître. Maintenant que l’entreprise fonctionne, ils virent des coursiers et nous enlèvent nos bonus (pluie, week-end…). La tarification à la course, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase », affirme l’étudiant qui a décidé d’arrêter son job de coursier au bout d’un an et demi.
Sécurité du travail
Au-delà de la baisse de rémunération que pourrait provoquer la disparition de la tarification à l’heure, c’est le système tout entier de livraison qui va être modifié. Auparavant, les plannings reportés automatiquement d’une semaine à l’autre permettaient aux coursiers de connaître à l’avance le nombre d’heures à travailler et la rémunération à la fin de la semaine. Désormais, il faudra prendre une commande après l’autre, sans être sûr d’avoir une rémunération décente.
« Aujourd’hui, le nombre de coursiers par zone est devenu hallucinant », complète Maxime Moulla. Pour l’entreprise, c’est l’assurance d’avoir toujours plus de main-d’œuvre à disposition.
En tout cas, les auto-entrepreneurs n’ont guère eu d’autre choix que d’accepter ces nouvelles conditions. « Un beau matin, on t’appelle pour te dire qu’on t’envoie la rupture conventionnelle de ton contrat. Si tu ne signes pas le nouveau, t’es à la porte », raconte l’étudiant.
A la suite de la publication de ce témoignage, Deliveroo a souhaité apporter des précisions sur sa nouvelle politique tarifaire et son nouvel outil de planification. « Ce nouveau système, basé sur une technologie avancée de prédiction des volumes au plus près du niveau de demande des clients et du nombre de livreurs, offre également davantage de sécurité de revenus », explique la plateforme dans un communiqué. « En parallèle, le 27 juillet dernier, Deliveroo a proposé à un nombre restreint de ses livreurs partenaires, soit 8 % d’entre eux, une convergence des conditions tarifaires de livraison qui s’appliquait déjà à 92 % des 7.500 livreurs collaborant avec la plateforme », ajoute Deliveroo qui assure que sa tarification à la course est « la plus attractive du marché » « avec un revenu moyen de 14 euros de l’heure soit 40 % au-dessus du SMIC horaire ».