Le pneumologue Aubier condamné pour avoir menti au Sénat
JUSTICE•C'est une première...20 Minutes avec AFP
C’est une première judiciaire. Le pneumologue Michel Aubier a été condamné ce mercredi à six mois de prison avec sursis et à 50.000 euros d’amende pour avoir menti en 2015 sur ses liens avec le groupe Total à des sénateurs, un « avertissement » pour les lobbys selon des associations.
Il s’agit d’une peine plus lourde que celle demandée par le parquet - qui avait requis une amende de 30.000 euros - et hautement symbolique : c’est la première fois en France que la justice condamne une personne pour « faux témoignage » devant des parlementaires, en l’espèce pour avoir menti sous serment à une commission du Sénat qui enquêtait sur la pollution de l’air.
Un euro de dommages et intérêts à verser à l’AP-HP
« Une peine que le tribunal estime proportionnée à la gravité des faits : un mensonge devant la représentation nationale », a souligné la présidente Evelyne Sire-Marin en rendant sa décision, ajoutant que l’amende équivalait à « deux mois et demi de revenu actuel de Michel Aubier, ce qui semble raisonnable au regard des pratiques » des tribunaux.
Le délit de « faux témoignage », passible de cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende maximum, porte d’ordinaire sur des déclarations dans une enceinte judiciaire.
Le tribunal correctionnel de Paris a en outre condamné Michel Aubier à verser un euro de dommages et intérêts à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), ancien employeur du médecin à la retraite.
« Victoire contre l’impunité »
Il a en revanche débouté Ecologie sans frontière et Générations futures de leur constitution de partie civile, au motif que ces ONG n’avaient pas subi de préjudice direct.
Ecologie sans frontière a toutefois salué une « première victoire contre l’impunité » et un « avertissement » aux lobbys, a déclaré à l’AFP son vice-président, Nadir Saïfi.
Michel Aubier n’était pas présent pour la lecture de la décision. Lors du procès, le pneumologue avait protesté de sa « bonne foi », et reconnu qu’il avait fait une « erreur ».
Il avait prêté serment en promettant de dire « toute la vérité » et déclaré n’avoir « aucun lien d’intérêt avec les acteurs économiques ». Sauf que depuis 1997, il était employé comme médecin-conseil d’abord par Elf Aquitaine puis par le groupe Total.
Rémunéré 100.000 euros par Total
L’enquête a révélé que de 2012 à 2015, il a touché près de 100.000 euros par an de la part du géant pétrolier, près de la moitié de ses revenus annuels. Il avait également reçu des actions.
Le pneumologue n’avait à l’époque pas mentionné ses activités chez Total ni aux parlementaires, ni à son principal employeur l’AP-HP, ni à la Haute autorité de santé dont il était membre.
A l’audience, il s’est défendu d’être un « négationniste » en matière de pollution, assurant notamment qu’il avait été « l’un des premiers » à étudier le lien entre le diesel et l’asthme.
Pour lui, « il n’y avait aucun conflit d’intérêts » entre une intervention devant une commission sénatoriale consacrée à la pollution et une fonction relevant de la médecine du travail auprès de Total. Qu’il n’y avait donc pas lieu de déclarer.