DROIT DES FEMMESVIDÉO. Féminisme: «Simone Veil n'avait pas besoin d'être militante»

VIDÉO. Féminisme: «Simone Veil n'avait pas besoin d'être militante, elle faisait les choses»

DROIT DES FEMMESDevenue symbole de la lutte pour les droits des femmes grâce à sa loi légalisant l'avortement, Simone Veil portait un « féminisme d’action » singulier…
Hélène Sergent

Hélène Sergent

L'essentiel

  • L’ex-ministre de la Santé et première présidente du Parlement européen est décédée ce 30 juin 2017 à l’âge de 89 ans
  • Plusieurs associations et collectifs féministes ont rendu hommage à celle qui a porté la loi en faveur de la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG)

Interrogée sur son engagement féministe en 2005 par la journaliste du Monde, Annick Cojean, Simone Veil lançait : « Je ne suis pas une militante dans l’âme, mais je me sens féministe, très solidaire des femmes quelles qu’elles soient… Je me sens plus en sécurité avec des femmes, peut-être est-ce dû à la déportation ? Au camp, leur aide était désintéressée, généreuse, pas celle des hommes. Et la résistance du sexe dit faible y était aussi plus grande. »

Décédée vendredi 30 juin au matin à l’âge de 89 ans, l’ancienne ministre de la Santé est devenue au fil des ans une figure tutélaire du féminisme français. Rarement dans la revendication militante, Simone Veil s’inscrit davantage dans l’action politique. A l’annonce de sa disparition, plusieurs associations et collectifs ont rendu hommage à cette « combattante » revenue d’Auschwitz qui a contribué à la réappropriation du corps féminin.

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Un positionnement « pas évident »

Magistrate, mère de trois enfants, éternelle centriste, Simone Veil « incarnait certaines contradictions », analyse Morgane Merteuil, militante féministe et auteur de l’ouvrage collectif Pour un féminisme de la totalité. « Elle appartenait à un groupe politique de droite et était membre d’un gouvernement qui n’était pas vraiment progressiste en matière de droits sociaux, mais c’est justement parce qu’elle s’inscrit dans ce contexte-là que son action a été si importante. »

« Son positionnement politique sur le féminisme n’est pas forcément évident. Elle n’a jamais été militante », abonde Bibia Pavard, historienne spécialisée en histoire des femmes et du genre. « A l’époque des débats sur le projet de loi qui porte son nom, le mouvement féministe était extrêmement radical, et demandait l’IVG (Interruption volontaire de grossesse) gratuite par exemple. Elle ne se revendique pas comme étant féministe même si au Parlement elle parle pour les femmes et au nom des femmes », poursuit la maîtresse de conférences à Assas.

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« Elle n’a pas besoin de dire ce qu’elle est »

« Simone Veil n’était porte-parole de rien », rappelle Geneviève Fraisse, philosophe et directrice de recherche émérite au CNRS. « Elle n’avait pas besoin d’être militante (…) elle faisait les choses. Quand elle accepte de devenir ministre de la Santé, de porter la loi pour la légalisation de l’IVG ou de devenir la première présidente du Parlement européen, ce sont des actes signifiants. Elle n’a pas besoin de dire ce qu’elle est. Elle incarne plutôt qu’elle représente. »

Son engagement féministe se renforce toutefois dans les années 90. Elle intègre alors un groupe de travail de femmes politiques sur la parité et incite en 1995 les candidats à la présidentielle à se prononcer en faveur de la parité. Quarante-trois ans après le vote de « sa » loi, elle incarne désormais les revendications féministes et égalitaristes.

« Si elle est aujourd’hui perçue comme une personnalité centrale en matière de droit des femmes, c’est parce que la perception de la loi Veil a évolué et que la loi elle-même a évolué avec le remboursement par la Sécurité sociale de l’IVG par exemple », signale Bibia Pavard. Une évolution qui se poursuit aujourd’hui encore. En février dernier, le Parlement a définitivement adopté la proposition de loi sur le délit d’entrave à l’avortement.