Droit à l'avortement: «Simone Veil a été et restera le symbole de la lutte pour les femmes»
INTERVIEW•Décédée ce vendredi à l’âge de 89 ans, Simone Veil restera un symbole de la lutte pour les droits des femmes…Propos recueillis par Anissa Boumediene
Elle n’a jamais reculé, ne s’est jamais laissée intimider. Symbole de liberté et de courage, Simone Veil s’est éteinte ce vendredi, à l’âge de 89 ans. Rescapée de la Shoah, membre du Conseil constitutionnel de 1998 à 2007, Simone Veil s’est notamment illustrée en faisant voter en 1974 la loi portant son nom sur la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), qui était jusqu’alors illégale.
Le Planning familial a exprimé son « immense tristesse » à l’annonce de son décès, saluant la « bagarre » de Simone Veil pour le droit à l’avortement dans une « Assemblée profondément hostile », un combat qui « demeure d’une brûlante actualité ». Veronica Noseda, porte-parole du Planning Familial, revient pour 20 Minutes sur l’héritage que laisse Simone Veil à des générations de femmes et d’hommes.
La loi Veil de 1975 légalisant l’IVG a été un vrai bouleversement à l’époque. Quarante-deux ans après, qu’est-ce que ce texte représente pour vous ?
Cela a été une étape fondamentale que d’inscrire dans la loi que l’IVG est un droit, une décision qui appartient aux seules femmes. Mais ce texte signifie par ailleurs que le combat mené à l’époque par Simone Veil n’est pas terminé et reste malheureusement encore d’actualité. Aujourd’hui, il existe encore de nombreux pays dans lesquels l’IVG est pénalisée et extrêmement difficile d’accès, que ce soit aux Etats-Unis ou chez certains de nos voisins européens. Ce combat, le Planning Familial continue de le porter à l’international, alors qu’une femme meurt toutes les 9 minutes dans le monde des suites d’un avortement clandestin. Mais aussi en France, car malgré les textes progressistes en vigueur, on relève encore aujourd’hui dans l’Hexagone certaines zones où pouvoir recourir à l’IVG reste compliqué. Sans compter la pression et le jugement portés sur les femmes qui avortent, pour qui il s’agit d’un moment déjà douloureux, et que l’on culpabilise d’exercer ce qui pourtant est un droit pour elles.
Quel héritage Simone Veil laisse-t-elle à la génération d’aujourd’hui ?
Simone Veil a toujours placé la liberté, notamment celle des femmes, au cœur de sa lutte, elle restera en cela une figure très inspirante. Lors des débats autour de la loi IVG en 1974, elle n’a jamais baissé la tête et ne s’est pas laissé intimider malgré les attaques sexistes et antisémites dont elle a fait l’objet de la part de ses collègues députés, dans un contexte, il faut le rappeler, de tensions et de violence intenses. Elle a résisté, et dans l’enceinte même de cet hémicycle très majoritairement masculin de l’époque, a tenu à partager « une conviction de femme », devant qui elle a déclaré « qu’aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement ». Grâce à elle, qui estimait « qu’il suffit d’écouter les femmes », des millions d’entre elles ont eu et ont toujours accès aujourd’hui à des structures qui existent pour les écouter et les accompagner. Elle a été et restera le symbole de la lutte pour les droits des femmes.
Les derniers combats menés en France sur les sujets de société, à l’instar du mariage pour tous et de la PMA pour toutes, auraient-ils connu la même issue sans le combat initial de Simone Veil ?
Le travail accompli par Simone Veil pour que les femmes puissent disposer de leur propre corps a constitué une étape fondamentale dans la construction d’une législation qui respecte les droits fondamentaux. Mais pas seulement, elle a également pris position en faveur du droit d’asile, a défendu les droits de l’Homme et plaidé pour une plus grande place accordée aux femmes en politique.
Cette force de conviction a rejailli sur toutes les générations qui ont suivi, et infuse aujourd’hui encore dans l’esprit de nombreuses militantes et militants, qui portent ces combats pour défendre la liberté et l’égalité entre les sexes.