Routes: Pourquoi les accidents aux abords des zones de travaux progressent tant?
SECURITE ROUTIERE•En 2016, un accident impliquant le personnel autoroutier survenait tous les trois jours...Delphine Bancaud
L'essentiel
- On est passé de 92 accidents de ce type en 2012 à 124 en 2016.
- Les automobilistes n’adaptent pas leur conduite en fonction de ces zones de chantiers.
- Ils déboîtent au dernier moment et/ou ne respectent pas les distances de sécurité.
C’était le 14 mars dernier. Un ouvrier autoroutier perdait la vie sur l’autoroute A1, son véhicule d’intervention ayant été percuté par un poids lourd. Un drame qui rappelle les dangers que courent chaque jour les agents autoroutiers d’entretien et de sécurité et que souligne l’ Observatoire des comportements sur autoroute 2017 rendu public ce jeudi par la Sanef.
Plus de 20 agents tués en 15 ans sur les autoroutes
Le constat est sans appel : « le nombre des accidents en zone de travaux est en constante augmentation depuis 2012. On est passé de 92 accidents cette année-là à 124 en 2016. Et les chiffres du début de l’année 2017 sont inquiétants car à fin mai on comptait déjà 71 accidents impliquant des personnels autoroutiers contre 34 sur la même période en 2016 », s’alarme Pascal Contremoulins, responsable sécurité routière du groupe Sanef. Un phénomène aussi observé sur le réseau secondaire (routes nationales et départementales).
Et les ouvriers paient au final un lourd tribut : entre 2002 et mai 2017, 23 personnes travaillant sur le réseau autoroutier ont été tuées. Et on ne connaît pas le nombre de victimes ayant perdu la vie sur le réseau secondaire…
Ces zones de travaux sont-elles bien signalées ?
« Dans la majorité des cas, ce sont les véhicules d’intervention qui sont percutés en bord de route et plus rarement des ouvriers à pied », constate Christophe Ramond, directeur des études de l’association Prévention routière. Est-ce dû à la surprise des conducteurs ? « Pourtant ils sont largement alertés. Sur l’autoroute le premier panneau lumineux avertissant de la zone de travaux est positionné 800 mètres avant. Il est suivi de deux panneaux indiquant la suppression d’une voie et de deux panneaux indiquant la limitation de vitesse », indique Pascal Contremoulins.
Les véhicules sont aussi très visibles et sont souvent dotés de lumières. De quoi alerter suffisamment les conducteurs normalement. « Mais l’on suppose qu’ils ne voient pas la signalisation en amont, car ils n’adaptent pas leur conduite en fonction » estime Pascal Contremoulins.
En revanche, si les zones de travaux sont bien signalées sur les autoroutes, il n’en serait pas toujours de même sur le réseau secondaire, estime Julien Vick, délégué général du Syndicat des équipements de la route : « les moyens mis sur le balisage de certains chantiers ne sont pas suffisants, notamment sur certaines routes départementales ou communales. Des balises sont mal installées ou insuffisamment lestées. Les collectivités qui commandent des travaux devraient exiger systématiquement un contrôle des conditions de sécurité de la part des sociétés de travaux lors de l’installation des zones de chantiers », affirme-t-il.
Des conducteurs distraits ou négligents
Selon l’Observatoire de la Sanef, les accidents impliquant des agents de chantiers serait surtout dus aux comportements dangereux des automobilistes. La preuve, : 75 % des conducteurs sont en excès de vitesse dans les zones avec une voie neutralisée où la vitesse est limitée à 110km/heure. Et près d’un automobiliste sur deux et 85 % des conducteurs de poids lourds changent de voie à moins de 200 mètres du début du balisage. « Un manque de vigilance que l’on peut en partie mettre sur le dos du distracteur de conduite qu’estle smartphone », déplore Christophe Ramond.
Autre imprudence très souvent constatée : le non-respect des distances de sécurité à proximité d’une zone de chantier. « Cela entraîne un risque de sur-accident. Alors que la distance séparant deux véhicules doit être de 70 mètres lorsque l’on roule à 130km/heure et de 50 mètres quand on circule à 50km/heure », rappelle Christophe Ramond.
Des efforts de prévention
Bien décidée à ne pas laisser ces accidents se multiplier, la Sécurité routière a mis en place desradars chantiers en 2015. « Ils sont utiles, mais ne sont placés que sur des zones où les travaux durent plusieurs jours », indique Pascal Contremoulins. Or, selon l’Observatoire de la Sanef, 72 % des accidents impliquant des personnels autoroutiers interviennent sur des petits chantiers (dépannage d’un véhicule, intervention pour dégager des objets de la chaussée…)
Les sociétés d’autoroutes ont aussi diffusé des vidéos de prévention pour aider les automobilistes à anticiper les risques.
La Sanef a aussi lancé une campagne de sensibilisation en avril qui a été bien relayée sur les réseaux sociaux. Et c’est souvent grâce à la multiplication de ce type de messages que les comportements finissent par changer.