Affaire Grégory: Les trois objectifs des enquêteurs pour éviter un nouveau fiasco judiciaire
JUSTICE•Les investigations se poursuivent trente-deux ans après la mort du garçonnet, retrouvé pieds et poings liés dans la Vologne…Vincent Vanthighem
L'essentiel
- Le petit Grégory a été retrouvé mort le 16 octobre 1984.
- Cinq personnes de son entourage ont été interpellées, mercredi 14 juin.
- Les enquêteurs planchent sur de nouveaux éléments.
Marcel et Jacqueline Jacob sont sortis de prison. Mais ils n’ont pas fini d’entendre parler de l’enquête sur la mort du petit Grégory. Remis en liberté mardi par la cour d’appel de Dijon (Côte d’or), le grand-oncle et la grand-tante du garçonnet de 4 ans découvert mort, en 1984, dans la Vologne (Vosges) devraient être réinterrogés prochainement, selon leurs avocats.
Si cette décision ressemble à un désaveu du récent travail d’enquête, elle ne marque pas pour autant la fin des investigations. « Les parents du petit Grégory sont toujours dans l’espoir de savoir qui a tué leur enfant », confie Marie Christine Chastand-Morant, l’une de leurs avocates. Et pour cela, les enquêteurs ont trois objectifs clairs à remplir.
- Faire parler Jacqueline Jacob de la lettre du « corbeau »
Jacqueline Jacob est libre depuis mardi. Mais la grand-tante du petit Grégory n’en demeure pas moins toujours mise en examen pour « séquestration suivie de la mort » du garçonnet de 4 ans retrouvé dans la Vologne en 1984. « Elle devrait être réinterrogée prochainement », admet l’un de ses avocats.
La grand-tante de Grégory ne pourra pas invoquer indéfiniment son droit au silence comme elle l’a fait lors de sa garde à vue. D’autant que, sur la foi de récentes recherches en écriture, les enquêteurs pensent qu’elle est le « corbeau » auteure d’une lettre typographique de menaces, adressée aux grands-parents de la petite victime, le 27 avril 1983. Et même qu’il y a des « similitudes » entre cette missive et celle revendiquant l’assassinat, le 17 octobre 1984.
Difficile d’en être sûr. En trente ans d’errements judiciaires, sept experts en écriture se sont abîmés les yeux sur les copies des protagonistes de l’affaire Grégory à qui les gendarmes ont fait faire des dictées. Résultat : ils ont quasiment tous été désignés, à un moment ou à un autre, comme étant l’oiseau de mauvais augure qui menaçait les Villemin. « Mais il est temps que Jacqueline Jacob parle de cette lettre », résume une source proche du dossier.
- Établir avec certitude l’emploi du temps de Marcel Jacob
« L’enquête le concernant a été entreprise trop tardivement pour avoir des chances d’aboutir à un résultat incontestable. » En 1993, la cour d’appel de Dijon (Côte d’or) reconnaissait son impuissance à impliquer Marcel Jacob dans l’assassinat du petit Grégory. Les choses ont peut-être évolué avec le temps.
SI le grand-oncle de la petite victime a toujours dit qu’il travaillait à l’usine le jour du meurtre, son emploi du temps n’avait jamais pu être « étayé » ou « confirmé ». Jusqu’à la semaine dernière… En perquisitionnant son domicile, les gendarmes ont mis la main sur le procès-verbal d’une réunion syndicale attestant en effet de sa présence, entre 14h et 17h, dans son usine le fameux 16 octobre 1984. « Après 17h, il est allé boire un coup et, ensuite, il est retourné sur la chaîne de montage », précise Stéphane Giuranna, son avocat.
De quoi le disculper, donc. Mais paradoxalement, cette pièce qui a été placée sous scellés pourrait relancer l’enquête. Les gendarmes se demandent sûrement pourquoi Marcel Jacob, délégué CGT, n’a jamais présenté durant toutes ces années cette preuve qui se trouvait pourtant chez lui. Et pourquoi l’a-t-il conservée pendant 32 ans s’il n’a rien à voir avec la mort du petit Grégory ? Le procès-verbal offre aussi aux gendarmes une liste de participants à la réunion qui pourraient confirmer ou infirmer l’alibi de Marcel Jacob. Il ne reste plus qu’à les trouver et les interroger.
- Savoir (enfin) si Murielle Bolle a pris le bus ou la voiture
Âgée de 15 ans au moment des faits, Murielle Bolle est, selon plusieurs sources, la prochaine personne qui pourrait être interrogée sur la mort du petit Grégory, 32 ans après. Surnommée « Bouboule », cette rousse dont le visage a fait le tour des journaux, avait accusé Bernard Laroche, son beau-frère, d’avoir « kidnappé » le petit Grégory, avant finalement de se rétracter au bout de quatre jours.
Elle a avoué que Bernard Laroche l’avait récupérée en voiture à la sortie du collège, le jour du crime, qu’il avait embarqué Grégory, qu’il était descendu avec lui « près d’une petite place » avant de revenir seul « un peu plus tard ». Sous « la pression de ses proches », selon le dossier judiciaire, la jeune fille était finalement revenue sur ses déclarations, quatre jours plus tard, indiquant qu’elle était rentrée du collège en car.
Reconvoquée en 1991 par les magistrats dijonnais, Murielle Bolle s’était présentée, flanquée de son frère et de deux de ses beaux-frères « individus réputés violents et craints de leur entourage », indique l’arrêt de la cour d’appel de Dijon datant de 1993. Il est peut-être temps de l’entendre seule (avec son avocat) pour en avoir le cœur net.