Journée mondiale des réfugiés: De Damas à Joigny, dans l'Yonne, une famille Syrienne «repart de zéro»
REPORTAGE•La famille Ali, originaire de Damas, est arrivée en France en septembre 2015...Hélène Sergent
L'essentiel
- A l’occasion de la journée mondiale des réfugiés, 20Minutes est allé à la rencontre d’une famille syrienne installée dans une commune de l’Yonne
- Joigny, 10.000 habitants, est l’une des premières villes à avoir accueilli des réfugiés dans le cadre de l’engagement français à l’échelle européenne
De notre envoyée spéciale à Joigny,
« Il y a des dates que vous n’oubliez pas », lancent en chœur Rimah et Adnan Ali. Journalistes syriens réfugiés en France avec leurs deux enfants Judy et Mjd, le couple se souvient encore avec précision de ce 9 septembre 2015, date de leur arrivée à Paris. Après trois années d’exil passées à Istanbul en Turquie, la famille est approchée par l’association Reporters sans frontières (RSF) pour intégrer le programme d’accueil élaboré par la France en accord avec le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) de l’ONU.
A l’époque, seules une poignée de maires se sont portés volontaires pour héberger les 500 réfugiés acceptés par l’Etat. Bernard Moraine (DVG), l’édile de Joigny, en fait partie. Deux ans après, la famille s’est intégrée, « petit à petit », dans la vie de cette commune de 10.000 habitants qui longe les bords de l’Yonne. La ville, dont le taux de chômage dépassait 23 % en 2013, compte aujourd’hui cinq familles originaires de Syrie.
Menacés par le régime
Quand la révolution éclate en 2011 dans leur pays d’origine, le couple travaille pour l’un des plus anciens quotidiens syriens, Al-Thawra. « D’origine palestinienne, j’avais déjà pris position dans une tribune publiée au début des années 2010, raconte Adnan, le gouvernement connaissait mon nom ». Dans le même temps, les frères de Rimah, soldats dans l’armée de Bachar, désertent. La famille est rapidement menacée par le régime, l’exil s’impose. Et c’est à Joigny, qu’ils poseront finalement leurs valises.
« Nous le vivons comme un nouveau défi. Il faut repartir de zéro ici. Nous avons des cours de français une fois par semaine mais l’apprentissage de la langue est long et difficile », confie le père de famille, Adnan. Pendant les cinq premiers mois, le couple et leurs enfants vivent dans le Cada (Centre d’accueil de demandeurs d’asile) dont dispose la ville. Un studio exigu qu’ils quittent le 27 janvier 2016 pour emménager dans un logement social situé - comme un symbole - « rue de l’Europe », à quelques encablures du centre-ville.
Un « risque » politique assumé
Depuis, tout est allé très vite à en croire Rimah, la mère de famille : « Nos enfants sont scolarisés dans le collège Marie-Noël, ils parlent bien le français et presque sans accent. Mjd est membre du club de foot de Joigny, ils se sont intégrés rapidement ». La situation professionnelle du couple est plus périlleuse : « Malgré notre profil arabophone, c’est difficile d’intégrer un média sans maîtriser mieux la langue ». Mais tous deux s’accrochent et saluent « l’accueil » dont ils ont bénéficié au sein du quartier et de la commune.
Un accueil qui aurait pu s’avérer périlleux reconnaît le maire de Joigny. Ravagée par la révision générale des politiques publiques (RGPP) amorcée en 2007, la ville a perdu « sa maternité, sa caserne militaire, ses deux tribunaux », énumère l’édile. Si la prise en charge d’une vingtaine de réfugiés lui paraît évidente dès novembre 2014, Bernard Moraine communique peu sur la mesure auprès de ses administrés. Les médias locaux, eux, s’emparent rapidement du sujet, qui vaut au maire des « flots d’insultes » sur les réseaux sociaux. « Ici, on ne gagne pas les élections avec ce genre de politique (…) mais j’ai opté pour le côté optimiste des choses ».
« L’Etat et la région Bourgogne-Franche-Comté financent une grande partie des dépenses et de nombreuses associations locales participent à l’accompagnement des familles », ajoute Bernard Moraine. Quant aux logements sociaux, « ils étaient vides, aucun dossier n’était en attente les concernant, assure le maire, ils n’ont pris la place de personne ».