VIDEO. Non, le bac n'est pas une simple formalité
EDUCATION•Inutile, peu exigeant… Cet examen est souvent critiqué, mais quand on y regarde de plus près, il est loin d’être bradé…Delphine Bancaud
Chaque année à l’approche du bac, c’est la même rengaine. On glose sur le bac, qui serait donné, dont le niveau aurait beaucoup baissé ces dernières années. Une litanie qui repose sur l’excellent taux de réussite à l’examen : en 2016, 88,5 % des candidats ont ainsi décroché le diplôme et près de huit candidats sur dix (79,6 %) l’ont même eu du premier coup. Et les récentes déclarations du nouveau ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer qui souhaite « remuscler » le baccalauréat pour le rendre « plus utile » aux élèves, ont enfoncé le clou.
Au grand dam des candidats, car le laïus visant à dévaloriser le bac est assez mal perçu par les principaux intéressés. « Les candidats sont hyperangoissés. Or, on ne cesse de leur répéter que le bac ne vaut rien. Ils vivent mal ces propos », constate le sociologue de l’éducation, François Dubet. « C’est un discours méprisant, alors que le bac demeure un rite de passage et un événement important pour les familles », renchérit l’historien de l’éducation, Jean-Baptiste Noé.
D’ailleurs sur Twitter, les mentions « Le Bac c’est pas de l’eau », fleurissent. Traduction : les candidats trouvent l’examen et sa préparation plutôt difficiles.
aUne réussite éclatante, mais en trompe-l’œil
Si ces clichés sur le bac ont la vie dure, c’est pour une bonne raison : « Le bac a été un diplôme très sélectif pendant longtemps. Il ne l’est plus beaucoup. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il est bradé », souligne François Dubet. « Cela reste un examen qu’il faut réussir », confirme Jean-Baptiste Noé. Et contrairement à une idée reçue, ce n’est pas parce que le taux de réussite au bac tutoie les 90 % que tout le monde l’a. En effet, le taux de réussite est calculé par rapport aux candidats effectivement présents à l’examen : il ne prend pas en compte les inscrits qui ne se sont pas présentés le jour J, et encore moins les jeunes qui ont abandonné plus tôt leurs études, un phénomène qui concerne chaque année plus de 100.000 jeunes.
Derrière le taux global de réussite se cachent aussi d’autres chiffres. Car la proportion de bacheliers dans une génération est nettement plus faible : plus d’un jeune sur cinq (21,2 %) âgé de 18 ans n’avait pas le bac en 2016. « L’objectif d’arriver à 80 % d’une classe d’âge ayant le bac n’a pas été atteint. Seule 40 % d’une classe d’âge est titulaire du bac général en 2016 », souligne Jean-Baptiste Noé.
L’échec reste une éventualité
Et si le réquisitoire contre le bac passe mal auprès des lycéens, c’est parce qu’ils sont conscients que la réussite à l’examen n’est pas acquise. On a tous autour de nous l’exemple d’un élève plutôt doué, qui a échoué au bac. « Parfois les candidats ont des surprises face à certains sujets et peuvent perdre leurs moyens », souligne François Dubet. Car l’examen exige de fournir une certaine quantité de travail pour être prêt le jour J, que l’on ait été bon élève ou pas. «Les épreuves sont multiples et pluridisciplinaires. Même avec le jeu des coefficients, les élèves doivent être bons partout s’ils veulent avoir des résultats satisfaisants. D’autant que les programmes sont chargés et nécessitent d’emmagasiner beaucoup de connaissances. Les épreuves s’étalant sur cinq jours. il faut aussi tenir le rythme », ajoute Jean-Baptiste Noé.
« Les candidats doivent aussi savoir gérer leur stress. Et la majorité d’entre eux ont la pression, surtout ceux qui cherchent à décrocher une mention », souligne François Dubet. Autant de conditions qui expliquent que l’on puisse échouer au bac. Et que l’échec est parfois difficile à digérer, puisqu’un candidat recalé au bac général sur deux ne retente pas sa chance.
La gêne de ceux qui ont échoué
Et si le bac ne peut définitivement pas être considéré comme un diplôme anodin, c’est aussi parce que ne pas l’avoir peut-être vécu comme un drame. « Ceux qui ne l’ont pas se sentent stigmatisés », confirme Jean-Baptiste Noé. « D’autant que l’enjeu du bac est bien plus important aujourd’hui que dans les années 70, où l’on pouvait trouver du travail sans lui. Désormais ne pas l’avoir, c’est être quasi sûr de devoir affronter des difficultés d’insertion professionnelle. Il n’y a qu’à observer l’écart considérable entre le taux de chômage de ceux qui n’ont pas leur bac et de ceux qui justifient d’un diplôme du supérieur », souligne François Dubet.
Et si malgré toutes les critiques le bac existedepuis 1808, c’est bien par ce qu’il est une institution quasi sacrée en France…