Devoirs bientôt faits à l'école: «La mesure ne doit pas s'arrêter à un coup de com»
INTERVIEW•Stéphane Crochet, secrétaire général de l’Unsa, réagit à la proposition du ministre de l’Education de créer des études dirigées dans les établissements dès la rentrée…Propos recueillis par Delphine Bancaud
L'essentiel
- Si Stéphane Crochet trouve que la mesure est efficace pour réduire les inégalités, encore faut-il qu’elle soit bien travaillée en amont.
- Beaucoup de questions demeurent sur l’encadrement de ces études dirigées, leur caractère obligatoire ou non, la manière dont elles seront financées.
- Le calendrier de mise en œuvre de la mesure lui semble un peu ambitieux.
Une annonce tonitruante en plein pont de l’Ascension. Le nouveau ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer a déclaré vendredi qu’il comptait lancer le dispositif « devoirs faits » dès la rentrée prochaine pour permettre aux élèves de faire leur travail personnel à l’école plutôt que chez eux. 20 Minutes a interrogé Stéphane Crochet, secrétaire général de l’Unsa pour savoir comment cette mesure pourrait être mise en œuvre.
Supprimer les devoirs à la maison, est-ce une bonne mesure pour réduire les inégalités scolaires ?
Oui, car il existe une doubleinégalité entre les élèves sur cette question. Certains savent faire leurs devoirs tout seuls et d’autres pas. Et les uns disposent de parents ou de frères et sœurs pouvant les aider, alors que les autres n’ont aucun soutien. En créant des études surveillées, on peut aider les élèves à acquérir une méthode de travail, à apprendre leurs leçons et leur fournir des explications sur des points qu’ils n’ont pas compris. Mais si l’idée de supprimer une grande partie des devoirs à la maison est bonne, il faut impérativement que la question soit discutée entre les enseignants et les parents avant d’être mise en œuvre. La mesure ne doit pas s’arrêter à un coup de com'. Pour qu’elle porte ses fruits, il faut prendre le temps de la réflexion.
Pourquoi ?
Les enseignants doivent se mettre d’accord de ce qu’ils attendent des devoirs à l’école et de ce qui restera à faireà la maison. Car on peut s’imaginer que le week-end les enfants auront quand même un travail de mémorisation des cours à effectuer ou des recherches sur un sujet à faire. Les enseignants doivent aussi mener une réflexion commune sur la quantité de devoirs qu’ils exigent des élèves et leur nature. Car ils doivent consister principalement pour l’élève à réinvestir des connaissances.
Cette mesure ne concernerait que les collégiens ou aussi les écoliers ?
Le ministre a surtout parlé du collège pour l’instant. Et actuellement, il existe déjà des études surveillées en primaire, mis en place par les collectivités et financées par les familles.
Par qui seraient encadrés les élèves pendant ces séances ?
Des enseignants qui seraient payés en heures supplémentaires et des assistants d’éducation.
Ces séances seront-elles obligatoires selon vous ?
J’imagine que non. Pour l’heure, le ministre a parlé d’études dirigées de 16h à 18h. Mais tous les enfants ne seront pas disponibles lors de ce créneau (certains parce qu’ils ont des activités périscolaires notamment). Et en zone rurale par exemple, il faudrait réorganiser les horaires du transport scolaire, ce qui semble difficile. J’imagine aussi que ces études surveillées ne seront pas proposées tous les jours, ce qui demanderait trop de moyens.
Par ailleurs, la durée de deux heures évoquée nous semple trop longue, car on ne peut pas rallonger autant la journée scolaire des élèves. D’autant, que les plus fragiles déploient déjà énormément d’énergie pour rester concentrés lors du temps purement scolaire.
Le calendrier prévu pour la mise en œuvre n’est-il pas un peu ambitieux ?
Le ministre a parlé de la prochaine rentrée, ce qui m’interroge. Car dans les collèges, cela risque d’être court pour s’organiser. Par ailleurs, le ministère disposera-t-il des enveloppes budgétaires suffisantes pour rémunérer les enseignants et les assistants d’éducation ? Je pense que la mesure sera d’abord expérimentée à la rentrée, avant d’être déployée à plus grande échelle.