«Je prends les enfants comme ils sont et je les aide à grandir», témoigne Bernadette, mère SOS
REPORTAGE•Bernadette Berchoux, salariée de l’association SOS Villages d’enfants depuis 29 ans, a accueilli successivement dix enfants qu’elle a en partie élevés…Delphine Bancaud
De notre envoyé spécial à Jarville (Meurthe-et-Moselle),
La fête des mères a lieu ce dimanche et Céline* ne l’a pas oubliée. La jeune femme d’une vingtaine d’années, a apporté une rose à Bernadette Berchoux. « C’est ma deuxième maman », explique Céline, qui a été placée chez Bernadette par l’association SOS Villages d’enfants lorsqu’elle avait 11 ans. Céline vole désormais de ses propres ailes, mais elle passe régulièrement voir Bernadette « car ça me fait plaisir et ça lui fait plaisir », précise-t-elle dans un sourire.
Et chez Bernadette, la porte est toujours ouverte aux sept enfants qu’elle a en partie élevés et qui sont désormais autonomes. D’ailleurs, leurs portraits trônent sur le buffet du salon. Aujourd’hui, sa maison de Jarville (Meurthe-et-Moselle) est le refuge d’une fratrie de trois enfants qui ont été confiés à cette mère SOS en 2005. « Ils n’ont plus de contacts avec leur père et leur mère vient les voir une fois tous les 15 jours », explique Bernadette. Roxane*, 15 ans vient se lover dans les bras de la sexagénaire. Leur complicité ne fait pas un pli. « Bernadette, c’est mon amour », s’enflamme l’adolescente. « Les enfants savent que je ne suis pas leur maman, mais me considèrent comme quelqu’un d’important dans leur vie », commente l’intéressée, avant de se replonger dans ses souvenirs.
« Ce qui domine mon quotidien, c’est la vie de famille »
« Je suis mère SOS depuis 29 ans. Auparavant, j’étais monitrice-éducatrice. Mais après le décès de mon mari, j’ai souhaité m’engager plus fortement auprès des enfants pour les voir grandir », explique Bernadette. Salariée de l’association, elle exerce un métier qu’elle considère comme une vocation. « Le seul côté professionnel que je ressens, c’est que je dois rendre des comptes. Notamment en justifiant mes dépenses pour les enfants (ce que je trouve d’ailleurs normal). Mais le reste du temps, ce qui domine mon quotidien, c’est la vie de famille », souligne-t-elle.
Avant de démarrer son parcours de mère SOS, Bernadette a dû montrer patte blanche et passer une batterie de tests. Elle a ensuite été formée et l’association lui a confié progressivement des enfants. Des petits souvent placés en raison de défaillances éducatives de leurs parents ou de mauvais traitements qu’ils ont subis. Et qui ont souvent été ballottés dans plusieurs familles d’accueil auparavant, en étant même parfois séparés de leurs frères et sœurs. « Pour chaque fratrie qui m’a été confiée, il a fallu à chaque fois une année pour tisser des liens et que les enfants se sentent vraiment en sécurité. Ce sont grâce aux petits gestes de la vie que notre relation s’est nouée », explique-t-elle. Elle a dû gérer les colères à répétition, les cauchemars la nuit… qui à force de patience et d’affection, ont fini par disparaître. « Au début, lorsque les enfants étaient encore perturbés, je devais surtout veiller à les rassurer avant de dormir. En leur lisant une histoire, en leur chantant une chanson. Ça pouvait durer longtemps », se souvient-elle.
Des règles et de la patience à revendre
Pour leur offrir un cadre stable, Bernadette, a mis en place des règles strictes : les repas et le coucher sont à horaires fixes, le portable est proscrit à table et le soir dans la chambre, les enfants doivent mettre le couvert et débarrasser, répondre toujours poliment, se montrer aimables avec les invités… « Roxane, tu nettoies la table s’il te plaît », souffle justement Bernadette, qui se fait immédiatement obéir. Et la mère SOS veille aussi à ce qu’une certaine harmonie règne dans la fratrie. « Au début, certains frères et sœurs que j’ai accueillis étaient comme chiens et chats. Mais je leur ai appris à se respecter », indique-t-elle.
Comme elle a eu jusqu’à six enfants en même temps sous sa coupe, Bernadette est devenue une championne de l’organisation. « Je fais les courses quand ils sont à l’école. Et j’ai tendance à acheter beaucoup, car les enfants ne supportent pas quand le frigo est vide. Ils ont sûrement peur de manquer de quelque chose », raconte-t-elle. Plusieurs fois par semaine, elle les emmène au village SOS de Jarville où vivent d’autres mères SOS avec leurs petits protégés dans des maisons individuelles. Sur la place, exercent aussi des médecins, des travailleurs sociaux et des psychologues, qui suivent les enfants. Des activités culturelles et sportives y sont également organisées. Autant de soutiens qui sont indispensables pour aider les enfants à s’épanouir.
« Je prends les enfants comme ils sont »
Alors bien sûr, il y a parfois quelques accrocs entre la mère SOS et ses « enfants ». « Lesadolescences ne sont pas faciles à gérer. L’une des filles a par exemple, cessé de me parler pendant un mois. Et une autre a demandé à être placée dans un foyer. Mais je n’ai jamais coupé le contact et nous nous revoyons aujourd’hui », explique-t-elle. La preuve de sa bienveillance de chaque instant : « Je prends les enfants comme ils sont et je les aide à grandir », commente Bernadette.
Avec son emploi du temps au cordeau et la charge émotionnelle qu’impliquent ses relations avec les enfants, elle pourrait être épuisée. « Mais, j’ai la chance d’être en bonne santé », assure-t-elle. Pour souffler, Bernadette part parfois en vacances toute seule, dans sa famille où à l’étranger. Un aide familial vient alors la remplacer à la maison. « Mais la plupart du temps, je pars avec les enfants », confie-t-elle, avouant avoir du mal à s’en séparer.
« Je suis fière de ce que j’ai fait avec eux »
Mais pas question pour autant de les couver : « Je les ai toujours incités à voir des amis, à faire des activités extrascolaires », confie-t-elle. Un impératif pour progressivement couper le cordon car l’associationSOS Villages d’enfants accompagne les jeunes jusqu’à 21 ans maximum. « Généralement ça se passe bien. Car ils sont devenus autonomes rapidement », indique Bernadette, citant les métiers de ses anciens protégés : cuisinier, secrétaire, carreleur, ergothérapeute… « Tous m’ont apporté beaucoup et je suis fière de ce que j’ai fait avec eux », ajoute-t-elle émue.
Et chaque année, il y a du monde à Noël et aux anniversaires dans son salon. L’occasion pour certains de lui témoigner leur affection : « A mon dernier anniversaire, Agathe* m’a offert un tableau. Il représentait une chouette avec ses dix bébés », montre-t-elle fièrement. Une allégorie de leur famille très recomposée.
*Les prénoms des enfants ont été changés.