INTERVIEWPolémique La Chapelle-Pajol: «Les femmes ne doivent pas capituler»

Polémique sur les femmes à la Chapelle-Pajol: «Il y a un problème autour de la place des femmes dans l’espace public»

INTERVIEWPour Marie-Pierre Badré, présidente du Centre Hubertine Auclert, et conseillère régionale d'Île-de-France, le problème de harcèlement de rue vécu par les femmes n'est pas le fait d'un seul quartier...
Delphine Bancaud

Propos recueillis par Delphine Bancaud

L'essentiel

  • Pour la présidente du Centre Hubertine Auclert, il ne faut pas stigmatiser ce quartier parisien car la problématique est plus globale.
  • En travaillant sur l’aménagement du territoire, on peut agir pour améliorer la sécurité des femmes.
  • Ces dernières ne doivent pas capituler, mais se regrouper, alerter les conseils de quartiers, etc.

Certaines habitantes du quartier La Chapelle-Pajol (10ème et 18ème arrondissements de Paris) déclarent ne plus se sentir en sécurité dans un article du Parisien paru ce vendredi. 20 Minutes a interrogé Marie-Pierre Badré, présidente du Centre Hubertine Auclert, et conseillère régionale d’Ile-de-France, chargée de mission « femmes dans l’espace public », qui analyse la situation.

Des riveraines du secteur Chapelle-Pajol disent ne plus s’aventurer dans certaines rues occupées principalement par des hommes. En avez-vous été informée ?

A la région Ile-de-France, nous n’avons pas de retours individuels de femmes concernant ce secteur. Et il ne faut pas stigmatiser un quartier particulier. Par ailleurs, il n’y a pas que dans les quartiers populaires que les femmes rencontrent des problèmes dans la rue. Mais il existe une problématique autour de la place des femmes dans l’espace public en général et ce n’est pas nouveau. Certaines sont régulièrement sifflées, insultées et, dans les cas les plus graves, agressées. C’est d’ailleurs pour cela que Valérie Pécresse m’a confié une mission sur le sujet, qui fera l’objet d’un rapport à la fin 2017. Ce dernier proposera des préconisations qui pourront être mises en œuvre dès 2018.

Mais est-il exact que les femmes ne peuvent pas se déplacer sereinement dans certains quartiers ?

Il s’agit le plus souvent d’un problème de sécurité dans des endroits qui sont le théâtre de vol, de trafic de drogue… Et quand une femme a été victime d’une agression physique ou verbale, le bouche-à-oreille fonctionne à plein et cela dissuade les autres de fréquenter certaines rues.

Et comment peut-on agir sur le sujet ?

En travaillant sur l’aménagement du territoire pour favoriser la mixité. C’est ce qui a été fait par exemple, à Bordeaux. La municipalité a veillé à éliminer les recoins sombres, à installer des lampadaires et des caméras. Mais il existe beaucoup d’autres mesures pour lutter contre ce sentiment d’insécurité : comme permettre aux femmes de se faire arrêter le plus près de chez elles lorsqu’elles prennent le bus le soir, pour éviter qu’elles soient isolées dans les rues.

Quelle aide peuvent apporter les associations de quartiers ?

Elles sont un soutien essentiel. Certaines font de l’éducation à la mixité auprès des enfants, d’autres incitent les femmes agressées dans la rue à porter plainte, participent aux projets d’urbanisme et d’aménagement du territoire, alertent l’opinion publique…

Et quels conseils donnez-vous aux femmes qui se sentent mal à l’aise dans certains quartiers ?

De ne surtout pas capituler. Elles doivent se réunir et circuler à plusieurs, pour montrer qu’elles existent et que la rue leur appartient aussi. Et elles doivent dénoncer toutes les agressions dont elles sont l’objet. Faire partie prenante des conseils de quartier est aussi un excellent moyen de mettre sur la table cette question pour accélérer la prise de conscience collective.