Double meurtre de Montigny-lès-Metz: La mère d’Alexandre dénonce «l’insupportable justice»
PROCES•Dominique Beckrich, la mère du petit Alexandre, tué à coups de pierre en 1986, est venu à la barre dire tout le mal qu’elle pensait de la justice dans cette affaire...Vincent Vantighem
L'essentiel
- Francis Heaulme est jugé pour le double meurtre de Montigny.
- Trente ans après les faits, il encourt une peine de perpétuité.
- La mère d’une des victimes pense toujours que Patrick Dils est coupable.
A la cour d’assises de la Moselle,
Cela fait bientôt quatre semaines que la cour d’assises de la Moselle tourne autour sans vraiment oser les nommer. Dominique Beckrich n’a, elle, pris que dix minutes, ce mardi matin, pour mettre des mots sur les errements de la justice dans le traitement du dossier du double meurtre de Montigny-lès-Metz, commis le 28 septembre 1986.
Son fils de 8 ans, Alexandre, est l’un des deux enfants massacrés à coups de pierre ce jour-là. « J’ai le cœur qui saigne encore. C’est gravé dans ma mémoire », attaque-t-elle. Mais plus que sa douleur, c’est surtout sa colère qu’elle veut livrer à la cour. « On nous dit tout et son contraire, balance-t-elle calmement alors que son mari passe tendrement un bras autour de son cou pour la soutenir à la barre. Toutes ces péripéties qu’on nous fait subir, cette folie de procès, de mensonges, d’aberrations… C’est insupportable. On parle de la justice des hommes. Mais il n’y a pas de justice des hommes ! »
Entre les lignes, c’est Patrick Dils qu’elle désigne
A sa gauche, Francis Heaulme est toujours avachi dans le box où il est jugé pour ces faits, trente ans après. Les cheveux aussi gris que sa veste, Dominique Beckrich ne lui jette pas un regard. Elle sait bien qu’il est là. C’est le cinquième procès censé faire la lumière sur cette affaire auquel elle assiste. Celui de trop ?
« Je n’ai pas besoin d’être ici, reprend-elle. Moi je sais. Je sais ! Et il n’y a rien qui viendra me démontrer le contraire. » Le nom de Patrick Dils est soigneusement évité. Il a été définitivement innocenté après avoir passé 15 ans en prison. Mais c’est bien lui qu’elle désigne comme coupable entre les lignes de son argumentation. « Les aveux [qu’il a passés], ça ne compte pas ? Les aveux circonstanciés, ça ne compte pas ? »
Dils, Haulme, Leclaire : le bateau ivre de la justice
Mais c’est surtout à l’institution judiciaire qu’elle en veut. « La justice a détruit les scellés ! Je lui en voudrais toujours pour ça. Je ne pardonnerai jamais. Grâce aux scellés aujourd’hui, on saurait qui est l’assassin. »
Avec son mari, Serge, et leurs deux autres enfants, Thibaut et Allison, les Beckrich en sont donc réduits à être « bringuebalés sur le bateau ivre » de la justice, comme le rappelle leur avocate, Alexandra Vautrin. Un coup, celui-ci met le cap sur Patrick Dils avant de bifurquer vers Francis Heaulme, de faire une pause après les témoignages mettant en cause Henri Leclaire pour finalement tanguer à nouveau vers ce même Francis Heaulme. « Là, on va encore nous dire une chose. Et on va encore attendre 15 ans et y revenir, insiste-t-elle. La justice nous a porté l’estocade. La justice nous a cassé les bras jusqu’à la mort… »
Alexandre, son bicross, son jus pomme-cassis…
Car il n’y a pas un jour. Pas une nuit où les Beckrich ne pense pas à Alexandre. Au bicross jaune et noir qu’il enfourchait. A son dernier repas composé de bœuf, de frites et de jus pomme-cassis. Et à cette nuit noire dans laquelle ils l’ont cherché avant qu’on ne leur annonce : « C’est fini… »
Alexandre avait 8 ans quand il a été tué. Il en aurait 39 aujourd’hui. « La seule volonté de mes clients, conclut Alexandra Vautrin. C’est que ce procès soit le dernier ! » Le verdict doit être rendu jeudi.