JUSTICEProcès Heaulme: La mère de Cyril raconte le déroulé des événements

Procès Heaulme: Trente ans après, la mère de Cyril raconte comment elle a appris la mort de son fils

JUSTICELes deux jeunes garçons ont été retrouvés morts à proximité d'une voie ferrée, le crâne fracassé à coups de pierre...
Chantal Beining, la mère de Cyril, a été appelée à la barre le 12 mai 2017.
Chantal Beining, la mère de Cyril, a été appelée à la barre le 12 mai 2017.  - Jean Christophe VERHAEGEN / AFP
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Après 12 jours de procès à la cour d’assises de Moselle en présence de l’accusé Francis Heaulme, la mère de l’un des deux petits garçons assassiné est appelée à la barre.

« J’espère que je vais réussir à aller jusqu’au bout », commence Chantal Beining, une femme blonde, petite, qui assiste chaque jour aux débats, sur un petit fauteuil installé à la droite de son avocate. Devant le public s’affiche une photo de son fils Cyril, prise en 1986, l’année de sa mort. Chemise bleue, pull sombre, grand sourire, un enfant « plein de vie » que sa mère décrit entre les larmes.

« Je vais vous parler de mon Cyril. Il m’appelait beaucoup Bibiche, parce qu’il entendait son père qui m’appelait Bibiche. Le 28 septembre, il a loupé deux fois le bus. Il est rentré et a dit "je vais faire un tour de vélo" ». Les premiers sanglots affleurent dans la voix de Chantal Beining. Cyril part, puis revient pour le goûter. « Il me dit "oh Bibiche, j’ai faim". Alors, je lui ai fait son sandwich. Il m’a dit "j’ai soif, donne-moi du Coca" ». Elégante dans son tailleur gris, elle s’effondre en larmes. Dans le box, Francis Heaulme prend son éternelle pause, menton dans les mains.

Pour le dîner, il lui demande « un bon souper », des pâtes au gratin, avant de repartir. « Elles sont restées trois jours dans le four éteint parce que je ne l’ai pas vu revenir, mon Cyril ». La nuit commence à tomber quand un homme sonne, le père d’Alexandre, qui lui demande si son fils est là. Il n’est pas rentré. Alors, Chantal Beining prend sa voiture et part à sa recherche près de l’eau, où il avait joué en début d’après-midi.

« Il est mort mon gosse ? »

Cyril Beining et Alexandre Beckrich, deux copains de circonstance qui ne se connaissaient qu’à peine, sont déjà morts sur le talus SNCF où leurs corps seront découverts, le crâne enfoncé à coups de pierre. Chantal Beining ne le trouve pas, rentre à la maison retrouver « le papa de Cyril. C’est mon ex maintenant ». Parfois présent, Jean-Claude Beining n’est pas là vendredi.

« Je ne savais pas que quelqu’un était revenu à la maison dire qu’il avait vu les vélos en bas du talus. Et tout à coup je vois les pompiers, les pompiers qui passent la rue Vénizelos », qui longe le talus, « en sens interdit. J’ai dit "mon gosse, mon gosse, les trains" ». Un policier arrive, propose de l’accompagner, mais elle ne fait « même pas 50 mètres ».

« J’ai dit, non, je rentre. Il me demande si j’ai un médecin, je dis oui… ». Les sanglots emplissent la salle d’audience. Dans le jury, les regards se sont détournés. Le médecin fait « trois piqûres » à la mère de Cyril. « Le papa de Cyril est rentré, ne m’a rien dit. A 23 heures, un policier arrive… je lui dis "il est mort mon gosse ?", il me dit "oui, il est mort". Et je ne savais pas de quoi ».

Chantal Beining fait un pas de côté et tend devant elle la une du Républicain lorrain du 29 septembre 1986 : «Deux enfants assassinés a Montigny ». « Et là, j’ai appris comment mon Cyril était mort… ». Les larmes redoublent. « Voilà ma Bibiche, ça fait 30 ans que je pleure mon Cyril, 30 ans ! », dit-elle dans ses derniers mots comme pour s’adresser à elle-même. Durant de longues secondes, elle reste à la barre, en pleurs. Avant de se rasseoir à côté de son avocate, qui l’enlace. Le président a suspendu l’audience 15 minutes.