EMPLOIFaire ou non son «coming-out» au travail: Un choix compliqué

Journée mondiale contre l'homophobie: Faire ou non son «coming-out» au travail, un choix encore compliqué pour les LGBT

EMPLOILes Français jugent que les entreprises sont loin d’être à la pointe sur ce sujet...
Nicolas Raffin

Nicolas Raffin

L'essentiel

  • Ce mercredi se déroule la journée mondiale de lutte contre l'homophobie
  • Le BCG a récemment dévoilé une étude sur la place des LGBT dans l'entreprise
  • De nombreux salariés hésitent encore à faire leur coming-out
  • Des outils existent pour créer un climat de confiance et de tolérance au travail

Comment les personnes LGBT perçoivent-elles le monde du travail ? Alors que se déroule mercredi la journée mondiale de lutte contre l'homophobie, le Boston Consulting Group (BCG) a réalisé la semaine dernière un baromètre* sur ce thème en interrogeant des étudiants et jeunes diplômés LGBT. Bilan: le cabinet de conseil note que les relations sont loin d’être toujours faciles.

Si 30 % des répondants LGBT français considèrent que faire leur coming-out au travail est un « risque » (contre 49 % en 2015), près de la moitié ne sont pas à l’aise lorsqu’il s’agit d’évoquer leur vie privée : 36 % déclarent « ne pas faire état du genre de [leur] partenaire » et 13 % déclarent mentir sur son genre ou prétendre être célibataire. Ainsi, seulement 25 % des répondants français estiment que leur pays est en avance dans « la prise en charge de la diversité LGBT dans le monde du travail ».

Un résultat peu surprenant pour Alain Gavand, dirigeant d’un cabinet de conseil aux entreprises. « Un grand groupe m’a demandé un jour de faire une enquête sur ses salariés LGBT, raconte-t-il. Mais une fois l’étude terminée, la direction a refusé de communiquer les résultats et de l’exploiter. Elle craignait qu’on en fasse trop sur ce sujet, qu’on fasse la promotion de l’homosexualité ».

« Quand je suis arrivé, certains faisaient des blagues homophobes sans connaître ma situation »

« Dire que la discrimination n’existe plus, c’est faux » reconnait Thomas Delano, responsable Europe du réseau LGBT du BCG. Mais selon lui, « la vraie difficulté c’est lorsqu’une personne homosexuelle arrive chez un nouvel employeur, et que le manager lui demande s’il est en couple ». Selon l’enquête, lorsqu’ils se retrouvent dans ce cas de figure, 49 % des Français LGBT préfèrent mentir sur le genre de leur partenaire ou ne pas l’évoquer.

Une situation longtemps vécue par Stéphane. Ce Francilien de 39 ans qui travaille dans l’ingénierie a mis quelques années à faire son coming-out auprès de ses collègues. « Quand je suis arrivé, certains faisaient des blagues homophobes sans connaître ma situation, explique-t-il. Il y avait aussi un sous-traitant qui nous envoyait des mails de la Manif pour tous et qui tenait des propos très déplacés sur les homosexuels. Du coup, quand on me posait des questions sur ma vie de couple, j’esquivais, je disais que j’étais célibataire ». La situation se débloque finalement avec l’arrivée d’un nouveau chef.

Changer le climat

Mais la vie privée a-t-elle sa place dans le monde de l’entreprise ? Pour Thomas Delano, ça ne fait aucun doute : « Je ne peux pas envisager de travailler avec des gens à qui je dois mentir en permanence, argumente-t-il. Si vous êtes obligés de dire "elle" au lieu de "il" en permanence lorsqu’on évoque le couple à la machine à café, ça mobilise énormément d’énergie et cela vous empêche d’être épanoui au travail. »

Permettre aux personnes LGBT de faire leur coming-out dans un environnement de confiance ne va pas forcément de soi dans les entreprises. Ces dernières organisent donc des formations pour sensibiliser leurs salariés à ces questions. Joël Deumier, président deSOS Homophobie, en réalise plusieurs chaque année. « Lorsqu’on démarre, il y a certains préjugés et stéréotypes qui sont bien ancrés, constate-t-il. Une fois qu’on commence à dialoguer, à interroger ces préjugés, les personnes réalisent d’elles-mêmes leur caractère injuste et ridicule. Par exemple, être "gay" ne veut pas systématiquement dire être efféminé. »

Le poids des dirigeants

Selon l’étude du BCG, les répondants LGBT sont ainsi très attentifs au développement d’une culture d’entreprise qui soit bienveillante. « Les personnes LGBT accordent autant d’importante à ce point-là qu’à leur niveau de salaire, note Thomas Delano. Travailler pour une entreprise dont le PDG a eu des prises des positions conservatrices, ce sera un très gros frein. »

Le rôle du dirigeant est donc primordial pour permettre aux salariés LGBT de travailler sereinement. « Notre directeur général a pris la parole sur ce sujet, explique Anne Delbègue, DRH de la société de protection sociale Audiens. C’est important que la direction montre son implication, ça a beaucoup de poids. ». Cette culture d’entreprise peut aussi se développer avec la signature d’une charte spécifique, comme celle élaborée par l’Autre cercle, une association de professionnels LGBT. A ce jour, une soixantaine d’entreprises et d’administrations françaises l’ont adoptée.

*Le Boston Consulting Group a réalisé cette enquête via un questionnaire auto-administré en ligne, entre mars et avril 2017 auprès de 1636 répondants ou étudiants jeunes diplômés répartis sur trois géographies européennes : France, Royaume- Uni/Irlande, Allemagne/Autriche.