Meurtres de Montigny-lès-Metz: «C’est la signature de Heaulme, son répertoire», assure le gendarme qui l’a arrêté
JUSTICE•Jean-François Abgrall, le gendarme qui a arrêté et confessé Francis Heaulme, est venu, mardi, à la cour d’assises de Metz expliquer le résultat de son enquête…Vincent Vantighem
L'essentiel
- Francis Heaulme est jugé pour le double meurtre de Montigny-lès-Metz.
- Il a toujours nié les faits pour lesquels il encourt la perpétuité.
- Le gendarme qui l’a arrêté est venu témoigner au procès, mardi.
A la cour d’assises de la Moselle,
La première fois que Jean-François Abgrall l’a rencontré, il s’est aperçu que Francis Heaulme n’avait « que quelques jours de plus que [lui] ». Les deux hommes ont convenu de se tutoyer. C’était en 1989. S’il ne l’avait pas expliqué mardi, la cour d’assises de la Moselle ne s’en serait pas rendu compte. Dans le box des accusés, le « Routard du crime » a tout d’un septuagénaire avachi dans un pull informe. A la barre, l’ancien gendarme affiche, lui, une ligne svelte sous un costume élégant.
Jean-François Abgrall a le beau rôle. C’est lui qui a arrêté le tueur en série. L’a confessé. L’a traduit surtout. C’est donc quasiment son « dictionnaire du Heaume illustré » qu’il est venu présenter, mardi, à la cour d’assises de Moselle qui juge le « Routard du crime » pour le double meurtre de Cyril Beining et d’Alexandre Beckrich, 8 ans, commis à Montigny-lès-Metz en septembre 1986.
« Francis Heaulme me disait qu’il avait eu des "pépins", qu’à chaque endroit où il passait, il y avait eu des crimes, raconte l’ancien enquêteur joignant le geste à la parole. Je me suis rendu compte que chaque "pépin" correspondait en fait à un meurtre. »
Francis Heaulme ou la version trash du « Petit Poucet »
Jean-François Abgrall a mis du temps à le comprendre. Chargé de l’enquête sur un meurtre perpétré à Brest en 1989, il a, à l’époque, besoin de trois ans pour obtenir les aveux de Heaulme. Mais il comprend, au passage, que le grand escogriffe n’en est peut-être pas à son coup d’essai. « Quand on l’a arrêté, il m’a dit qu’il était allé voir la mer. Cela signifiait qu’il avait tué, deux jours plus tôt, Jean Rémy à Boulogne-sur-mer », résume Abgrall à la barre.
Francis Heaulme est comme cela. Il parle par périphrases. Il mélange les affaires. Les victimes aussi. « Mais il ne parle jamais pour ne rien dire. » Et telle une version trash du Petit Poucet, il sème perpétuellement des indices sur le chemin des enquêteurs. Un exemple ? Un jour, il avoue avoir étranglé un arbre entre Cherbourg et Boulogne, à 12 kilomètres de la mer. Les gendarmes retrouveront, quelque temps après, le corps du petit Joris, étranglé et poignardé de 83 coups de tournevis, à 12 kilomètres de la mer… Méditerranée. Dans le Var.
« Vous êtes juste un électron libre qui tape la discute ! »
Interrogé à ce propos, Francis Heaulme parle alors d’une infirmière de Montiny-lès-Metz. Un nouvel indice pour Jean-François Abgrall. D’autant que, plus tôt, le tueur en série lui a raconté qu’un jour, des enfants lui avaient jeté des pierres le long d’une voie ferrée, dans l’Est. Qu’il était passé. Puis revenu. Et qu’il avait vu des policiers et des pompiers autour des cadavres des enfants.
« Il fonctionne toujours de la même manière. Il commence par raconter une histoire dont il est le spectateur, poursuit Jean-François Abgrall. Puis on lui demande de dessiner un plan. Il est très scolaire. A un moment donné, il trace une croix sur le plan et il écrit "Moi" en dessous. »
Les enfants de Montigny ont toutes les apparences des victimes du « Routard du crime ». Ils ont été massacrés. L’un d’entre eux a été déshabillé. Et l’enquête a établi qu’il était présent le jour du drame. La démonstration, faite mardi par le gendarme aux jurés, est limpide. Un peu trop pour Liliane Glock, l’avocate de Francis Heaulme. « Vous êtes intervenu en dehors du tout cadre juridique. Vous le tutoyez. Vous l’appelez Francis. Vous êtes juste un électron libre qui vient taper la discute avec lui. »
A ce moment-là, le président de la cour fait sortir l’accusé de son box, pour le confronter à l’ancien gendarme. Mais l’accusé continue à nier les faits : « Non, ce coup-ci, c’est pas moi… » Une défense insuffisante pour Jean-François Abgrall. « C’est son répertoire, sa signature… » Les jurés ont jusqu’au 18 mai pour choisir leur version de l’histoire. L’accusé encourt une nouvelle peine de réclusion à perpétuité.