PROCES«Mais pourquoi vous tuez, monsieur Heaulme?»

Double meurtre de Montigny: «Mais pourquoi vous tuez, monsieur Heaulme? Pourquoi? Pourquoi?»

PROCESLe président de la cour d’assises a passé près d’une heure, ce mardi matin, à tenter de percer les motivations criminelles de Francis Heaulme…
Vincent Vantighem

Vincent Vantighem

L'essentiel

  • Francis Heaulme est jugé pour le double meurtre de Montigny.
  • Il a toujours nié avoir tué les deux enfants à coups de pierre en 1986.
  • Déjà condamné pour neuf meurtres, il encourt une nouvelle peine de perpétuité.

A la cour d’assises de Moselle,

Il aura donc fallu deux semaines pour que le procès de Francis Heaulme débute enfin véritablement. Après une matinée passée à écouter des témoins embourbés dans leurs souvenirs d’il y a trente ans, le président de la cour d’assises de la Moselle, Gabriel Steffanus, a demandé, ce mardi midi, à Francis Heaulme, de « s’approcher » de la barre.

Pas question de lui parler frontalement du double meurtre de Cyril Beining et d’Alexandre Beckrich pour lequel le « routard du crime » est jugé, à Metz, depuis le 25 avril. Les deux enfants de 8 ans ont été découverts le crâne fracassé à coups de pierre sur une voie SNCF désaffectée de Montigny-lès-Metz, en septembre 1986. Mais, avant de savoir si Francis Heaulme est coupable de ce crime, le président veut d’abord savoir « pourquoi » il tue. Comme s’il était possible de comprendre.

Montage en date du 21 septembre 2004 de photos non datées d'Alexandre Beckrich et Cyril Beining
Montage en date du 21 septembre 2004 de photos non datées d'Alexandre Beckrich et Cyril Beining -  AFP

« Des hommes, des femmes, des enfants, des personnes âgées… »

Il lui pose donc la question le plus simplement du monde. « Pourquoi vous tuez, M. Heaulme ? Pourquoi ? Pourquoi ? Des enfants, des hommes, des femmes, des personnes âgées. Vous ne les connaissiez pas, en plus… »

Mains posées sur la barre de la cour d’assises, légèrement voûté, le tueur en série marque un petit temps d’arrêt avant de répondre. « Je ne sais pas. Je ne peux pas vous dire. Je ne sais pas… » Mais le président Steffanus a visiblement préparé son interrogatoire.

Et il sait que les neuf meurtres pour lesquels Francis Heaulme a déjà été condamné présente des similitudes. « C’est presque toujours en fin d’après-midi. La plupart du temps vous êtes tout seul. La plupart des victimes ont des blessures multiples. Et la plupart des endroits sont isolés. »

« Montigny, c’est pas moi ! »

Sans parler de la violence et le nombre des coups assénés aux victimes. « Pourquoi donner 83 coups de tournevis » à Joris Viville, 9 ans ? « Pourquoi 53 coups de couteau » à Georgette Manesse, 86 ans ? Pourquoi « vous dépersonnalisez les victimes à ce point » ?

Un peu trop théâtral, le président au visage rougi par cet interrogatoire plante alors son regard dans celui de l’accusé qui lui fait face. Avant de repasser à l’attaque.

- M. Heaulme, dites-nous pourquoi ? On a besoin de savoir.

- Montigny, c’est pas moi !

- Je ne vous parle pas de Montigny, là. Alors pourquoi ?

- J’en sais rien.

- Pourquoi ?

- Je ne réponds plus à aucune question. Je ne vous écoute même plus. C’est pour m’enfoncer un peu plus [que vous faites ça]…

Francis Heaulme se redresse alors légèrement et croise les bras comme pour signifier qu’il n’en dira pas plus.

« Il a toujours reconnu les faits. Sauf pour Montigny »

Gabriel Steffanus l’a bien compris. Mais il est persuadé que sa stratégie est la bonne. Refaire « l’historique » de Francis Heaulme pour faire comprendre aux jurés que l’affaire de Montigny présente des points communs avec les crimes pour lesquels il a été condamné. Il rappelle donc que Jean Rémy, cet homme de 62 ans, n’a pu être identifié que « quatre mois après avoir été tué » tant il avait été roué de coups. Et aussi la « lente agonie » de Laurence Guillaume, 14 ans. « Dans toutes ces affaires, il n’y a pas de mobile… »

Liste des victimes pour lesquelles Francis Heaulme a été condamné pour «meurtre».
Liste des victimes pour lesquelles Francis Heaulme a été condamné pour «meurtre». - V. VANTIGHEM

Montrant qu’il écoute toujours, Francis Heaulme réagit alors à sa manière : « Montigny, c’est pas moi ! » Ce qui donne l’occasion à Stéphane Giuranna, l’un de ses avocats, de reprendre facilement l’avantage. « M. le président, vous parlez de points communs. Rappelez-vous que Francis Heaulme a toujours, à un moment donné, reconnu les faits pour lesquels il a été inquiété. Après, il s’est contredit mais il a toujours reconnu les faits. Tous sauf un : le double meurtre de Montigny. Cela, il l’a toujours nié… » Le verdict est attendu le 18 mai.

Suivez l’audience de ce mardi sur le compte Twitter de notre journaliste : @vvantighem