Double meurtre de Montigny-lès-Metz: Picsou, vélo rose et Popeye... Quand Heaulme n’était pas encore devenu le «Routard du crime»
PORTRAIT•Pendant trois jours, la cour d’assises de Moselle a tenté de percer les secrets qui ont conduit Francis Heaulme à se transformer en tueur en série…Vincent Vanthighem
L'essentiel
- Francis Heaulme est jugé depuis mardi pour l'affaire de Montigny-lès-Metz.
- La cour d'assises a passé trois jours à examiner sa personnalité.
- Le tueur en série encourt une nouvelle peine de réclusion à perpétuité.
De notre envoyé spécial à la cour d’assises de la Moselle,
Trois jours que la cour d’assises tourne autour de son box vitré. Comme si Francis Heaulme était un sujet d’études. Comme s’il suffisait de le fixer intensément pour parvenir à le cerner. « Cela ne sert à rien, tranche Alexandre Bouthier, l’un de ses trois avocats. Ce n’est pas la question. Et on sait qui il est : un tueur en série ! »
La question principale est effectivement de savoir s’il faut ajouter Cyril Beining et Alexandre Beckrich à la liste déjà établie de ses neuf victimes officielles (Voir ci-dessous). De quoi allonger cette « série » qui attire chaque jour une quarantaine de personnes au palais de justice de Metz (Moselle). Mais le procès n’en est pas encore aux faits. Alors, on fait défiler à la barre, ce jeudi, tout le banc et l’arrière-banc des proches qui ont côtoyé Francis avant qu’il ne devienne le « Routard du crime ».
Francis lisait des Picsou avant de mettre des coups de tournevis
Georgette, son ancienne « copine », aujourd’hui sous curatelle : « Il était gentil. Il mettait des préservatifs. Je l’ai hébergé une semaine et les gendarmes sont venus l’arrêter. » Laurence, sa cousine : « Il était toujours sur le canapé à regarder la télé. Il ne disait jamais rien. » Florent, son ex-beau-frère : « Il vivait modestement. Son père lui ramenait des courses de temps en temps. »
Non, elle ne peut être aussi « banale » la jeunesse de cet homme capable ensuite d’asséner 83 coups de tournevis à un gamin de 9 ans, Joris Viville. De défigurer une femme à coups de gifles, Sylvie Rossi. Alors la cour insiste. Elle creuse. Elle sonde.
Le président, Gabriel Steffanus, demande à Christine, la sœur cadette de Francis, de confirmer que leur père était violent et alcoolique. « Mon père frappait plus en paroles que par coups (…) Et il était juste ivre quand il jouait au tarot avec son frère chaque samedi. » La cour repassera pour le cliché de l’enfant maltraité. Non Francis « lisait des Picsou dans sa chambre », il « imitait Popeye » dont la démarche lui ressemble d’ailleurs étrangement et il affichait des « posters de femmes nues dans son placard ».
« Il est où ton vélo ? »
Et puis il y a ce vélo. Ce vélo rose, de marque Mercier, qui le bringuebalait partout. Francis Heaulme voulait être coureur cycliste. Il avait même acheté des « vrais maillots ». Il suscite d’ailleurs la « seule question » que se pose, aujourd’hui, Christine ? « Il est où ton vélo ? » Francis ne sait pas. Personne ne sait. Et c’est peut-être le nœud du problème.
Car le tueur roulait à vélo quand les enfants de Montigny-lès-Metz ont été fracassés à coups de pierre. Et c’est à pied qu’il a entamé, ensuite, son errance macabre qui l’a conduit à tuer dans le Finistère, le Nord et le Var en passant par la Marne.
A cette époque, la petite reine s’est évaporée. Francis Heaulme casse ses lunettes pour se taillader les bras à l’aide du verre. Il enchaîne les séjours -200 jours au total- dans les hôpitaux psychiatriques. Et il « fait peur » à certains de ses proches.
Des pleurs, un coucou et un baiser à travers le box
Emprisonné à Ensisheim (Haut-Rhin), Francis Heaulme consulte, aujourd’hui, un psychologue toutes les semaines et un « spychiatre » tous les quinze jours. Il écrit des courriers sur lesquels il dessine toujours des petits vélos dans les marges. Et il « attend » avec Geoffrey et Thibaut, ces codétenus. Comme si cela pouvait l’aider à comprendre.
Avant le procès, il a même arrêté tous ses traitements, ne conservant que les neuroleptiques qui font trembler ses bras immenses. Beaucoup plus lucide que lors du procès en 2014, il a, ce jeudi matin, pleuré face à sa sœur, fait coucou à son père qu’il n’avait pas vu depuis 23 ans et envoyé un baiser à sa belle-mère à travers son box.
Gabriel Steffanus, le président de la cour d’assises, a donc eu raison de tenter la question directe. « Vous savez pourquoi vous avez fait tout ça dans votre vie ? » Réponse de Francis Heaulme : « Non, je ne sais pas. Vous me salissez. Si vous continuez, j’arrête de parler… » Le procès doit encore durer trois semaines.
Continuez à suivre le procès en direct sur Twitter : @vvantighem