Enquête pour proxénétisme: «Il m’a suffi de 15 minutes pour me prostituer sur Vivastreet»
TEMOIGNAGES•Angélique et Céline ont raconté à « 20 Minutes » comment elles se prostituent par le biais du site d’annonces Vivastreet…Vincent Vanthighem
Angélique* n’aurait jamais voulu en arriver là. Mais il y a deux mois, cette jeune Parisienne de 21 ans n’a pas eu « d’autres choix » que de commencer à se prostituer pour faire face à ses problèmes d’argent. « J’ai passé une annonce sur Vivastreet, confie-t-elle. Je m’étais renseignée et je savais que c’était le site pour pouvoir faire ça… »
Selon nos informations, le site d’annonces fait l’objet d’une enquête préliminaire pour « proxénétisme aggravé » ouverte par le parquet de Paris. Confiée, le 15 février, à l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), elle fait suite à une plainte déposée, le 1er décembre, par le mouvement du Nid qui milite pour l’abolition de la prostitution.
« Il faut acheter des options pour être ‘’mise en avant’’ »
« Depuis l’entrée en vigueur de la loi pénalisant les clients de prostituées il y a un an, on s’est aperçu que le phénomène se déplaçait de la rue vers les sites d’annonces tels que Vivastreet », justifie Lorraine Questiaux, déléguée du Nid pour l’Ile-de-France.
Céline* a pu s’en rendre compte. Depuis quatre ans, cette mère de famille trentenaire vend son corps, de 9h à 20h, dans un hôtel de Seine-et-Marne par le biais de Vivastreet. « Au début ça allait. Mais maintenant, il y a de plus en plus d’annonces. De plus en plus de filles dont certaines cassent les prix, déplore-t-elle. Il faut dire que c’est tellement simple. Il m’a suffi de 15 minutes pour me prostituer sur ce site. »
Et d’une carte bancaire. Vivastreet se targue d’être un site gratuit. Sauf pour la rubrique « Services Adultes » où le dépôt d’une annonce coûte 80 euros. « Ensuite, il faut acheter les options pour être ‘’mise en avant’’, assure Angélique. Au début, je ne l’avais pas fait et personne ne m’appelait. » Désormais, la jeune fille lâche près de 800 euros par mois à Vivastreet pour recevoir entre 10 et 20 coups de fil par jour. « Je ne donne pas suite à toutes les demandes mais cela me rapporte en moyenne 3.000 euros par semaine. »
L’annonce parle « d’agréable moment », pas de « relation sexuelle »
Céline, elle, ne souhaite pas dévoiler combien elle gagne. Mais elle confirme, à sa manière, l’attrait du site. « A 20h, je suis chez moi en famille et mon portable est coupé, raconte-t-elle. Quand je le rallume le lendemain matin, j’ai parfois 50 ou 70 appels en absence… »
Bien sûr, son annonce n’affiche aucun prix. Et privilégie l’expression « agréable moment » à celle de « relation sexuelle » que Vivastreet interdit strictement. « Il y a un système de modération, un logiciel, explique Anne Alcaraz, l’avocate de Vivastreet. Si l’annonce correspond à la réglementation, elle passe. Ensuite, le site dispose d’une équipe de modération. Si une annonce est signalée [par un internaute] parce qu’elle contrevient à la réglementation, l’équipe la supprime immédiatement. »
« Mais personne n’est dupe, poursuit Céline. En faisant payer des annonces aussi ambiguës, Vivastreet s’engraisse sur le dos des prostituées. »
Faire ça dans la rue ? « Non, c’est sale… »
Confirmant l’analyse du mouvement du Nid, les deux jeunes femmes ne sont pourtant pas prêtes à vendre leurs corps dans la rue. « Non, c’est sale… », lâche Céline. « J’aurais trop peur, indique, de son côté, Angélique. Sur Vivastreet, mon numéro est sous l’annonce. On me contacte par téléphone. On prend rendez-vous. Je regarde par la fenêtre quand le client arrive. Si ça ne me convient pas, je n’ouvre pas… »
* Les prénoms ont été changés