«J’ai testé le tourisme vintage (et je me suis prise pour ma mère)»
REPORTAGE•Périple en voiture de collection, promenade en vélo rétro, déjeuner dans une gare désaffectée… Le rétro est devenu une vraie tendance touristique…Delphine Bancaud
Bon, je dois bien l’avouer, je ne suis pas vraiment « hype » et j’ai même un côté assez « vieille France ». Et je suis plus attirée par les vieilles pierres et les nappes à carreaux que par l’architecture contemporaine et le design d’intérieur moderne. Alors quand j’ai entendu parler du tourisme vintage, j’ai tout de suite eu envie de l’expérimenter. Me voilà partie enAnjou (Val-de-Loire) pour un périple rétro*.
Exit les grosses cylindrées bardées d’options. Aujourd’hui, je circulerai en véhicule de collection. C’est justement ce que propose l’agence Rétro émotion, qui concocte des séjours dans des manoirs, châteaux ou des chambres d’hôtes dans des demeures anciennes et pendant lesquels les voyageurs prennent le volant d’une voiture ancienne. Et incroyable mais vrai, l’agence est dirigée par le marquis et la marquise de Béthune. Totalement rétro donc. « On n’est pas très à la mode nous-même, ça se voit non ? », m’interroge le marquis Augustin de Béthune en m’embarquant dans sa Peugeot 203 qui date de 1958.
A l’intérieur, une odeur de naphtaline me saisit. J’ai l’impression de me retrouver dans la voiture de mes grands-parents quand j’avais 5 ans. « Ça fait tout drôle qu’il n’y ait pas de ceinture à l’arrière », commente ma voisine. Le marquis briefe le conducteur, car le changement de vitesse est un peu compliqué. Et nous voilà partis. Mieux vaut ne pas être pressé car la titine ne dépasse pas les 70 km/heures et rame dans les côtes. Mais la promesse d’un voyage dans le temps est respectée. On se croirait dans un film de Gabin.
« Voyager en voiture rétro, c’est plonger dans la nostalgie »
Changement de véhicule : me voilà désormais installée dans une petite Dauphine rouge des années 50. « C’est élégant ce volant », note Mathilde, qui voyage avec moi. Et pour parfaire ce tableau suranné, on emprunte des routes de campagne. « Voyager en voiture rétro, c’est plonger dans la nostalgie. On a l’impression de revenir dans les années 60 qui respiraient une certaine insouciance », commente le marquis de Béthune. Le moteur fait un bruit de dingue. Arrivés au château de Brissac (le plus haut château de France), on se prendrait presque pour des châtelains.
C’est l’heure de déjeuner. Et là aussi, je vais faire une petite plongée dans le passé en m’attablant aux Terrasses de Bonnezeaux, un restaurant situé dans une gare désaffectée depuis 1955. « Le train le Petit Anjou passait par là et reliait Angers à Poitiers. « Certains de nos clients ont d’ailleurs connu la gare et sont très attachés à ce lieu », m’expliquent Sophia et Luc Rossi les restaurateurs, dont la cuisine « bistronomique », se marie parfaitement avec le décor.
Une promenade entre les vignes avec un cyclomoteur des sixties
Les vignobles d’Anjou-Saumur s’étendant à perte de vue dans la région, pas question de passer à côté de cet atout touristique. Mais là aussi, en mode « à l’ancienne ». Car pour découvrir le domaine Pied Flond des viticulteurs Catherine et Franck Gourdon, je vais enfourcher un cyclomoteur français des sixties pour une opération « wine et Solex ». Avec mon casque vissé sur la tête et mon gilet de sécurité, j’ai bien conscience d’être ridicule. Mais je risque de l’être encore plus si je me vautre dans les vignes à cause de mon terrible engin. Ah ce bruit tonitruant du moteur, ces effluves d’essence… Et me voilà dans la peau de ma mère à 20 ans tout d’un coup. Mais me balader ainsi dans les vignes me donne une super impression de liberté. Les viticulteurs nous font faire une pause apéro, avec nappe à carreaux et verres Duralex pour s’accorder à l’ambiance rétro. Un petit verre de Cabernet d’Anjou et ça repart. Maintenant que je me sens à l’aise sur ma bécane, j’aurais adoré que la balade dure plus longtemps.
Pour parfaire ce voyage dans le temps, je vais passer la nuit à l’hôtel Rocaminori, creusé au cœur d’un village troglodytique. Me voilà installée dans une chambre au cœur de la pierre de falun qui reste toujours à 15 ° quelle que soit la saison. J’ai l’impression d’être propulsée dans un autre monde. Je ne capte pas le Wifi et le calme qui règne est olympien. La légère odeur d’humidité n’est même pas gênante et je me réveille en regardant la roche. Une sensation très étrange. Suis-je devenue capitaine caverne ?
J’ai l’impression d’être dans La grande vadrouille
Le lendemain, je n’ai pas mis ma robe à fleurs, mais j’aurais pu pour me fondre dans le décor. Car me voilà partie pour une visite des caves de la maison vins de Saumur et du Val de Loire, Bouvet-Ladubay, en vélo vintage. Une balade de deux kilomètres dans des galeries creusées à partir du IXe siècle où la guide nous parle des étapes de la fermentation du vin. Juchée sur mon vélo rétro, j’ai soudain l’impression d’être dans La grande vadrouille. C’est tellement agréable que je m’inscrirai bien à l’ Anjou vélo vintage, la rando qui a lieu en juin à Saumur, où les cyclistes doivent impérativement s’équiper d’une bicyclette datant d’avant 1987 et d’une tenue rétro.
Puis, j’ai une folle envie de découvrir le charme des bords de Loire. Passion vintage oblige, je le ferai à bord d’un combi Volkswagen des années 70. Lionel, le chauffeur qui organise ces circuits « Loire vintage discovery », n’a omis aucun détail. Avec ses bretelles, sa chemise blanche et sa casquette, on le croirait sorti d’un vieux film. « Je donne toujours à mes passagers des accessoires vintage pour les plonger dans l’ambiance », explique-t-il. Et à l’intérieur du combi, une chanson de Gabin, Quand on se promène au bord de l’eau, finit par nous donner la nostalgie d’une époque révolue que l’on n’a pas connue. Un comble.
Et pour que la boucle soit bouclée, j’opte pour une balade en bateau sur la toue sablière « rêves de Loire ». « Chaque maison à son histoire, celle-ci date du XVe siècle », explique Patricia qui nous guide, décrivant outre le patrimoine, les différentes catégories d’oiseaux que l’on croise. Une balade qu’aurait pu faire ma mère, ou ma grand-mère, tant le paysage semble avoir été figé dans le temps.
Ce week-end vintage s’achève. Je ne sais plus trop si j’ai vécu une plongée dans les années 50, 60 ou 70. Mais je suis sûre d’une chose : cette parenthèse passéiste m’a requinquée et je suis à nouveau prête à me réinsérer avec bonheur dans le XXIe siècle.